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Et l’armée française dans tout cela ?

4Vérités, le 13 juin 2012

mercredi 13 juin 2012, par Tilelli

Pendant la campagne présidentielle, on a entendu parler de tout, du chômage, de la fiscalité, des handicapés, des immigrés, etc., mais pas un mot de l’armée. Sans doute a-t-on solennellement promis que le corps expéditionnaire en Afghanistan serait rapatrié dans les plus brefs délais, ce que nous allons examiner ci-dessous, mais de l’armée en général, rien.

C’est que la gauche n’aime pas l’armée, symbole de la discipline, de l’ordre et de l’honnêteté, comme le rappelle fort justement M. David Chevalier dans le n° 843 en citant le socialiste Léon Blum : « Du moment qu’on démolit l’armée française, j’en suis… » Ce ne furent pas seulement des paroles, mais des actes, lorsqu’une partie des armes et munitions de notre armée furent généreusement remises aux communistes et anarchistes espagnols en 1936-39, l’une des causes de la défaite de 1940.

Aujourd’hui, l’armée pour laquelle Sarkozy n’éprouvait pas non plus une grande affection, est l’enfant mal-aimé de la République. Jamais les effectifs n’ont été aussi bas, moins de 100 000 militaires et 10 000 civils et il faudrait renouveler les trois quarts du matériel qui devient obsolète. Or, sur la programmation 2011-2013, le budget de l’armée a déjà été amputé de 3,6 mil­liards d’euros, un budget qui sert de « variable d’ajustement », au profit des handicapés, des immigrés, ou tout autre bénéficiaire qui vote de façon correcte, c’est-à-dire à gauche. J’ajoute que les effectifs de l’armée de plus en plus recrutés outre-mer, Pacifique compris, sont très dispersés à travers « l’empire », dans l’espoir notamment de maintenir en place des régimes qui sont financièrement dévoués au Pouvoir en France. L’opération « Épervier » est menée au Tchad depuis 25 ans ! Mais, comme chacun sait, le plus important engagement extérieur se situe aujourd’hui en Afghanistan, que je connais assez bien, pour avoir été dans ce pays le chef de la mission diplomatique de la France pendant près de 4 ans – ce qui m’autorise à écrire qu’en Afghanistan, la guerre est perdue et je vais dire pourquoi.

La guerre est menée, en fait, par le Pakistan, pays musulman de 180 millions d’habitants, qui dispose de l’arme atomique (grâce à la Chine communiste), et qui est le plus islamique et anti-occidental de la planète – plus que l’Iran. Si la majorité des talibans sont, dit-on, des Afghans, ce sont, en réalité, surtout des combattants aussi bien afghans que pakistanais, et l’encadrement est entièrement pakistanais. Ce sont des officiers des services secrets, l’ISI. L’armement est pakistanais et les sanctuaires où les talibans se réfugient se situent dans les zones tribales du Pakistan qui, je le rappelle, a assuré la protection de Ben Laden en lui faisant construire une résidence-forteresse dans une ville garnison de l’armée pakistanaise.

Telle est la politique du Pakistan par haine de l’Occident chrétien et aussi pour s’assurer des arrières en Afghanistan en cas de guerre avec l’Inde – guerre assez peu probable mais qui obsède l’état-major pakistanais.

C’est dans ce contexte que François Hollande, sans concertation, avec le seul souci démagogique de son élection, a décidé le retrait anticipé d’un an des 3 279 militaires français engagés en Afghanistan dans le cadre de l’OTAN. Ce faisant, il a commis une grave erreur, aux plans militaire et diplomatique. À Chicago, les 20 et 21 mai, les États-Unis qui ont 90 000 hommes en Afghanistan, et surtout le secrétaire général de l’OTAN, M. Rasmussen, le lui ont fait vertement remarquer. L’OTAN dans ce pays hostile est une machine réglée au millimètre. Il est impératif d’en respecter les règles, sinon on s’expose à des drames qui peuvent causer beaucoup de victimes.

Dans ce pays accidenté, qui se prête admirablement à la guérilla, il n’y a que deux véritables aéroports, à Kaboul et Bagram. Si on augmente le trafic déjà saturé, on risque la collision. La voie terrestre par le Pakistan, vers le port de Karachi, a déjà été l’objet de nombreuses embuscades. Des convois entiers, notamment de carburant, ont été détruits, avec la bénédiction de l’armée pakistanaise. Un avion qui s’écrase au décollage, c’est 200 victimes. Un convoi de camions attaqué, 30 victimes. La décision électoraliste de François Hollande pourrait coûter à l’armée française plus de victimes que pendant toute la guerre !

J’ajoute que l’armée afghane formée et entretenue à coups de milliards de dollars n’est pas sûre et pourrait se retourner contre les Occidentaux, comme le fit naguère l’armée Sud-vietnamienne, sans oublier que l’Afghanistan et les régions à l’ouest du Pakistan sont les premiers producteurs d’opium et d’héroïne du monde.

Aussi bien, le président, devant les réalités qui lui ont été assénées, est en fait revenu sur sa promesse, comme il reviendra sur les autres. Il a déclaré qu’il se conformerait aux instructions de l’OTAN et que ne seraient évacuées que les « forces combattantes ». Mais, comme ces forces ne sont plus combattantes depuis des mois, sur ordre de Sarkozy qui ne voulait pas de pertes humaines pendant sa campagne électorale (sans d’ailleurs la moindre garantie de sécurité pour les forces non combattantes), il se pourrait qu’il n’y ait presque pas de retrait anticipé !

Toujours est-il que les propos de Hollande ont donné un nouveau crédit à ceux, nombreux, qui pensent et disent, au sein de l’OTAN, que « les Français ne sont pas fiables. Ils trahissent souvent et on ne peut leur faire confiance. Ils sont de bons guerriers à la condition de ne pas subir de pertes ! »

Autre conséquence des propos de l’actuel président : l’armée sur place s’est inquiétée. Un officier français, à Kaboul, a déclaré que « la décision de Paris, si elle était appliquée, serait vécue par l’armée comme une humiliation et un vaste gâchis ». Si bien que François Hollande, informé, a jugé bon de se rendre de toute urgence pour quel­ques heures à Kaboul le 25 mai, accompagné par prudence par le chef d’état-major, l’amiral Guillaud, afin de calmer officiers, sous-officiers et soldats. Bref, tout cela s’appelle une gaffe !

À propos de gaffe de haut niveau, j’en citerai une autre, plus grave encore : l’opération Sarkozy-BHL en Libye, qui vient d’aboutir à un nouvel Afghanistan en Afrique sahélienne : l’État islamique de l’Azawad, proclamé le 27 mai, avec application immédiate de la charia et le triomphe d’Al Qaïda (AQMI), riche et puissamment armé. Je rappelle qu’AQMI détient 10 otages occidentaux, dont 6 Français, source de rançon estimée à plusieurs dizaines de millions de dollars.

Précision supplémentaire, la nouvelle branche d’AQMI, le MUJAO (mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest) est dirigé par sultan Ould Baldi, membre de la katiba des enturbannés, connu comme l’un des dirigeants d’un vaste trafic de cocaïne à destination de l’Europe. Avec l’autre branche d’AQMI au Nigeria, le Boko Haram, toute l’Afrique au nord de l’Équateur est menacée, avec la France pour objectif final ! Beau succès, n’est-ce pas !

Christian Lambert Ancien Ambassadeur de France

- lire sur lke site de 4 Vérités

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