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A Douz, on attend le retour des touristes

Le Monde, le 29 février 2012

jeudi 1er mars 2012, par Tilelli

Douz (Tunisie) Envoyée spéciale - Sept heures du matin sur le marché de Douz, oasis du Sud tunisien. Les marchands enveloppés dans leurs burnous disposent sur le sol leurs grands sacs remplis de dattes, couscous, fruits, légumes, épices, poissons séchés. Les premières boutiques ouvrent leurs portes et les marchands commencent à suspendre leurs tapis de laine. Au centre de la place, les plus anciens, assis par terre, discutent en buvant un thé à la menthe. Un monde essentiellement masculin - les femmes viendront plus tard avec les enfants - sur cette place qui jouxte le marché aux bestiaux, en contrebas.

C’est l’heure des affaires : on regarde, on ausculte, on touche, on soupèse, on compare, on négocie à mots couverts. Les transactions se font, se défont en catimini, les billets en rouleaux passent de main en main et, en moins d’une heure, plusieurs dizaines de chevaux, d’ânes, de poulets, de chèvres, de moutons et de dromadaires changent de propriétaire.

Un an après la "révolution du jasmin", le 13 janvier 2011, seule une dizaine d’Allemands et de Français sont venus randonner et profiter de ce soleil d’hiver.

Occupé à coudre des chaussons sahariens devant sa boutique, Mohammed, 55 ans, ne comprend pas : "Où sont les touristes, les Français, les Italiens, les Allemands ? Pourquoi ne viennent-ils plus ?"

Après les événements politiques qui ont chassé du pouvoir le président Ben Ali, les habitants de Douz, les Mrazigiens, s’inquiètent. Car le tourisme est la première ressource de la région, devant les dattes. En un an, il a reculé de 40 % en termes de fréquentation et les recettes ont chuté de 33 %, selon l’Office national du tourisme tunisien. "De quoi ont-ils peur ?", ajoute cet homme qui, comme la majorité des familles de Douz, organise depuis des années des méharées, des randonnées dans le désert à dos de dromadaire.

Difficile de lui faire admettre que les révolutions arabes récentes ont provoqué un sentiment d’inquiétude générale en Europe et en particulier en France. Le Quai d’Orsay déconseille de se rendre dans le Sahara oriental, au sud de Douz. "Vous voyez bien qu’il n’y a aucun danger", ajoute Ali, qui tient un petit bazar un peu plus loin.

Mohammed, comme tous ses voisins, compte sur la récolte des dattes et les quelques étrangers de passage pour tenir en attendant le retour des voyageurs à Douz, point de départ de nombreuses randonnées chamelières dans le Sahara tunisien.

Un Sud modelé par le vent, où les dunes se déplacent au gré des caprices d’Eole. Rien à voir avec les grands déserts d’Algérie et de Mauritanie, mais une première expérience du Sahara. Cette nuit, nous dormirons au campement, sous la tente, après une randonnée à pied et à dos de dromadaire dans le sable chaud. Une nuit à la belle étoile, avant de partir au petit matin vers l’est, en direction de Matmata. Une première étape vers les villages perchés du Dahar, situés plus au sud, des sites reculés où se réfugièrent les Berbères lors de l’invasion arabe du VIIe au XIIe siècle.

On quitte bientôt l’erg, le désert de dunes pour le reg, ce fameux désert de pierres et de cailloux. Sur la route asphaltée, peu de passage hormis quelques moutons. "En hiver, les gens restent dans les villages, en attendant les pluies de février et l’arrivée du printemps en mars, explique la guide, Dominique Harari. C’est alors le moment de redescendre dans la vallée pour planter de l’orge et faire paître les animaux. On voit des familles entières dresser leurs tentes et s’installer pour trois mois sur leur lopin de terre."

En attendant, nous filons en voiture vers Tamezret, dernier village berbère où l’on parle encore le tamazic, et Matmata. C’est là, parmi des paysages lunaires, que furent tournées plusieurs scènes de Star Wars. A flanc de montagne ou creusées directement à la verticale, des maisons troglodytes renforcent cette impression de surnaturel. Elles sont organisées autour d’un puits d’où partent en étoile plusieurs cavités, sans fenêtre, blanchies à la chaux et transformées en chambre, cuisine, salon et garde-manger.

L’été dernier, Myriem et son mari ont creusé tout l’été dans le sol pour ouvrir une pièce (grotte tout en longueur) supplémentaire et accueillir quelques voyageurs de passage. Une table d’hôte à la berbère où, confortablement assis sur des tapis colorés, nos hôtes nous font goûter quelques plats traditionnels : bricks, agneau à la gargoulette, grenades et dattes deglet nour...

Plus au sud, en direction de Tataouine, c’est un paysage plus escarpé avec ses ksours, anciens greniers bédouins en pierre et en pisé creusés au sommet de la montagne. Composées d’une multitude de ghorfas - petits greniers à grain individuels voûtés -, ces véritables "forteresses" servaient autrefois de citadelles et, en cas de conflit, les populations pouvaient y trouver refuge avec leurs troupeaux. Certains ksours ont été reconvertis, depuis, en gîtes.

Martine Picouët

- Lire sur le site du Monde

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