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Le Nord-Mali dans l’expectative après le retour des « mercenaires touareg » de Kadhafi

Voix Berbères - l’Afrique du Nord côté amazigh, le 23 novembre 2011

mercredi 23 novembre 2011, par Tilelli

Le récent changement de régime en Libye provoque un regain de tension dans le nord du Mali. Cette région instable voit le retour de nombreux Touareg maliens ayant servi dans l’armée de Kadhafi et fui la Libye lors de la déroute de ce dernier. Dans la seule ville de Tombouctou, plus de 2 000 personnes ont été accueillies. Revenus au pays avec armes et bagages (pick-up et mitrailleuses lourdes), ces déserteurs sont souvent d’anciens guérilleros hostiles au gouvernement malien .

La vaste zone désertique de l’Azawad (plus grande que la France), entre Tombouctou et la frontière algérienne, constitue un inextinguible foyer de rébellion. Les Touareg (les plus méridionaux des Imazighen, ou Berbères), qui forment la majeure partie de ses habitants aux côtés de Peuls, d’Arabes et de Songhaïs, y ont déclenché entre 1963 et 2007 plusieurs conflits armés contre l’État central. Les populations de l’Azawad, en particulier les Touareg, exprimaient ainsi leurs sentiments de discrimination identitaire et d’abandon socio-économique par l’Etat, davantage tourné vers le Sud, où se trouvent Bamako, la capitale, et l’ethnie majoritaire, les Bambaras. Tandis que Mouammar Kadhafi finançait les rébellions touarègues, dans la perspective de son projet de confédération saharienne dont il deviendrait roi, l’Algérie s’érigeait en faiseuse de paix, présidant à la signature d’accords entre factions touarègues et État malien, à Tamanrasset en 1991, puis à Alger en 2006. Ces dernières années, d’autres facteurs sont venus déstabiliser un peu plus la région : l’essor de la contrebande transfrontalière, l’utilisation du Sahel par les narcotrafiquants sud-américains pour acheminer leur cocaïne vers l’Europe, et, surtout, l’implantation durable d’Al Qaïda au Maghreb Islamique dans toute la zone saharo-sahélienne.

La mort accidentelle, le 26 août, d’Ibrahim Ag Bahanga, chef militaire touareg de retour de Libye qui rejetait les accords avec l’État malien, jette un peu plus le trouble. La fusion de son mouvement armé, maintenant dirigé par Rhissa Ebarguel, avec les « politiques » du Mouvement National de l’Azawad aboutit, le 16 octobre, à la création du Mouvement National pour la Libération de l’Azawad (MNLA), qui revendique l’autodétermination de la région. A l’appel de ce nouveau mouvement, des manifestations ont été organisées le 1er novembre dans les villes de Kidal, Gao, Ménaka et Tombouctou.

L’objectif de Bamako, à la veille des élections présidentielles maliennes de 2012, est d’empêcher toute jonction des anciens combattants de Libye avec leurs ex-frères d’armes du MNLA. Dans cette optique, des notables de la région ainsi que des parlementaires ont été envoyés à la rencontre de ces « fils prodigues » lourdement armés, leur promettant des compensations financières en échange de la remise de leurs armes à l’État. Si certains groupes ont accepté l’offre, ce n’est pas le cas de tous, notamment de celui dirigé par Mohamed Najim, stationné à Zakate, près de la frontière algérienne, qui évoque lui aussi l’autodétermination du Nord-Mali. Selon des témoignages rapportés par L’Express, des Touareg de retour de Libye auraient décidé de « nettoyer » leur région en arrêtant des trafiquants de drogue et envoyant un ultimatum à AQMI, laquelle se serait prudemment retirée de sa base d’Adrar Tigharghar. En 2006, déjà, de violents accrochages avaient opposé les hommes d’Ag Bahanga aux terroristes salafistes.

Reste à voir jusqu’où iront les partisans de l’autodétermination de l’Azawad : ils possèdent certes des armes, mais la chute de Kadhafi signifie la fin de leur financement et de leurs bases de repli en Libye. De plus, il a souvent suffi au gouvernement malien d’intégrer des rebelles dans son armée et de confier à leurs chefs des postes d’officiers pour que les troubles cessent – toujours momentanément.

Yidir Plantade

Lire sur le blog de Yidir Plantade "Voix berbères"

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