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Le CNT court-circuite le général Haftar

El watan, le 5 janvier 2012

jeudi 5 janvier 2012, par Tilelli

Le général Khalifa Haftar, que de nombreux observateurs occidentaux présentent comme étant parrainé par les services de renseignements américains, ne sera pas le chef d’état-major de la nouvelle armée libyenne.

Le Conseil national de transition (CNT) lui a finalement préféré Youssef El Mangouch, un colonel à la retraite, qui a pris activement au soulèvement contre le régime de Mouammar El Gueddafi. Le colonel El Mangouch, qui prend ses fonctions avec l’avantage d’avoir le soutien à la fois de Mustapha Abdeljalil et de Abdelrahim El Kib, respectivement président du CNT et chef du gouvernement, a été promu général aussitôt après sa nomination. Très peu d’informations circulent sur Youssef El Mangouch qui avait hérité avec la venue d’El Kib du portefeuille de vice-ministre de la Défense. On sait juste qu’il était un des commandants des forces rebelles dans la région de l’Est jusqu’en avril avant d’avoir été arrêté par les forces loyalistes. Il sera d’ailleurs libéré dans la foulée de la chute de Tripoli.

Le poste de chef d’état-major est, rappelle-t-on, resté vacant depuis l’assassinat, en juillet dernier, près de la ville pétrolière de Brega, du général Younès Abdelfattah qui commandait les forces rebelles dans l’Est libyen. Celui-ci était ministre de l’Intérieur durant le long règne de Mouammar El Gueddafi. De plus en plus de voix attribuent aujourd’hui cet assassinat, non encore élucidé, aux hommes du général Haftar et à ceux de l’islamiste Abdelhakim Belhadj, actuellement à la tête du Conseil militaire de Tripoli. Salem Joha, un général de Misrata, était également un des principaux candidats à la succession, âprement disputée, du général Younes Abdelfattah.

Aprement disputée, car chacune des tribus ayant pris part à la guerre contre El Gueddafi a, en effet, a tenté d’imposer – en usant parfois même de l’argument des armes – leur homme. Le général Haftar, qui a passé l’essentiel de ces dix dernières années à Washington, n’a, à ce propos, pas dérogé à la règle puisqu’il a essayé, lui aussi, de mettre le CNT devant le fait accompli en s’autoproclamant pendant un temps patron de l’armée, après avoir reçu en novembre dernier l’appui, à El Beïda (est de la Libye), de près de 200 officiers et sous-officiers. Toutefois, les membres du CNT, qui viennent de le court-circuiter, l’ignoreront superbement.

Après coup, on comprend pourquoi le CNT, qui commence à être décrié ici et là en Libye, n’a pas voulu d’un personnage aussi encombrant. L’hypothèse d’une intronisation du général Haftar à la tête de l’ANL avait été, rappelle-t-on, rejetée dans le fond et dans la forme par les tribus berbères des djebels Nefoussa et de Zenten qui le considèrent comme un mercenaire. Ayant été à la pointe du combat contre le régime de Mouammar El Gueddafi, celles-ci s’estiment, en effet, légitimement en droit de revendiquer le contrôle de l’armée. Honnis à Tripoli —au même titre d’ailleurs que Abdelhakim Belhadj —, le général Haftar et ses enfants ont d’ailleurs fait l’objet de plusieurs tentatives d’assassinat dans la capitale libyenne. En décidant aujourd’hui de se retirer sur la pointe des pieds, Khalifa Haftar semble in fine avoir compris le message.

Il est possible que Abdelhakim Belhadj ne fasse pas aussi de vieux os au sein du Conseil militaire de Tripoli, une structure dont il a pris le contrôle grâce à ses parrains du golfe Persique et dont l’autorité et la légitimité sont régulièrement remises en cause à Tripoli même. Preuve en est, les milices armées continuent à y faire la loi comme en témoigne l’accrochage mortel qui a opposé mardi des rebelles de la région à une brigade de Misrata. Cet « incident » montre, en tout cas, à quel point la question du pouvoir en Libye sera bien difficile à régler.

Zine Cherfaoui

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