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Libye / La normalisation, une tâche titanesque

L’Union, 22 octobre 2011

dimanche 6 novembre 2011, par Tilelli

Si le ministre d’État Alain Juppé a annoncé que l’opération de l’Otan était terminée puisque la totalité du territoire libyen était sous le contrôle du Conseil national de transition (CNT), les prochaines semaines risquent néanmoins d’être compliquées en raison des tensions patentes qui existent déjà entre les modernistes, les islamistes et les berbéristes.

Si Mustapha Abdel Jalil, le président du CNT, doit bâtir le socle d’un État de droit respectueux des différentes sensibilités et à même de préparer des élections générales libres, bien des obstacles se situent sur sa route. D’abord, la Libye est un puzzle complexe et fragile où les attentes des tribus sont souvent divergentes. Aussi ne faut-il pas être surpris des incidents déjà enregistrés entre les membres les plus influents du CNT. Le Premier ministre Mahmoud Jibril qui a étudié en Europe et est un moderniste résolu sait que dans son pays ceux qui défendent l’érection d’un État religieux, voire d’un État islamiste, ne sont pas une composante anecdotique des forces politiques. Les Européens qui espèrent un État laïc oublient que ce concept est ignoré de la Cyrénaïque à la Tripolitaine jusqu’au Fezzan. On n’y imagine pas la séparation du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel. Pis, on considère que la laïcité est la négation de Dieu. Aussi, faut-il être prudent dans l’emploi des mots et ne pas faire une lecture des événements à la seule lumière de notre culture occidentale.

Méfiance et défiance

A-t-on oublié que les premiers juristes ayant planché cet été sur une ébauche de projet constitutionnel, se rejoignaient sur le fait que l’Islam est la religion de l’État et que la charia doit être la mère nourricière de la législation nouvelle qu’il faut se laisser le temps d’élaborer. Ces mêmes juristes défendaient des institutions équilibrées et respectueuses des gens. Est-ce la volonté de tous ? On peut notamment s’interroger sur les objectifs d’Abelhakim Belhadj, le chef militaire autoproclamé de Tripoli, membre influent des groupes islamiques combattants libyens liés à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Ses soldats sont sans doute les mieux entraînés. Ils sont très déterminés et disposent d’une logistique qui n’a rien d’accessoire. Certains cadres ont été formés dans les camps les plus reculés de l’Afghanistan selon des informations recoupées des services de renseignements. Or, l’autorité croissante de Belhadj à Tripoli inquiète aussi bien en Cyrénaïque,à Benghazi, qu’en Tripolitaine, à Misrata, deux cités martyres, tandis que les Berbères n’apprécient guère que ce chef militaire ne manifeste à leur égard aucune reconnaissance. Il ne faut pas oublier que les Berbères du djebel Nefoussa qui ont obtenu un soutien en matériel largué par les avions français affirment être les premiers à être entrés à Tripoli. Ils considèrent avoir joué un rôle déterminant dans la désorganisation du commandement centralisé affaibli du dictateur. Ils ont l’impression d’être volés de leur gloire et accusent Belhadj de négliger leur engagement. Les Berbères s’opposent encore aux islamistes parce que ces derniers n’admettent que l’arabe comme langue officielle et le disent sans état d’âme. Si l’on ajoute à ce climat les différences qui s’affirment en Tripolitaine et en Cyrénaïque et surtout l’incertitude qui persiste sur la fidélité de plusieurs tribus aux Kadhafa, le clan du colonel déchu puis exécuté, il reste beaucoup d’inconnues pour résoudre l’équation de la Libye nouvelle.

Les chancelleries vont suivre de près les événements qui vont se dérouler dans le périmètre du CNT obligé de s’entendre pour prévenir un éclatement d’un pays déjà si meurtri.

Hervé CHABAUD

Lire l’article sur le site du quotidien l’Union

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