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Libye : Amazighs, plus que jamais !

Jeune Afrique, le 13 septembre 2011

lundi 26 septembre 2011, par Tilelli

Ostracisés pendant plus de quarante ans par Kaddafi, qui les accusait d’être des « agents de l’étranger », les Berbères savourent aujourd’hui leur revanche.

Sur le toit de Bab el-Aziziya, ancienne résidence de Mouammar Kaddafi à Tripoli, flotte un drapeau bleu, vert et jaune, surmonté d’un étrange symbole rouge. Ce drapeau, c’est celui des Amazighs, ces « hommes libres » que le régime de Kaddafi a accusés pendant quarante-deux ans d’être des « agents de l’étranger », « des traîtres » et des « suppôts du colonialisme ».

Pour ces 500 000 Berbères, qui vivent principalement dans les montagnes du Djebel Nefoussa, la participation à la révolution était une évidence. « Ils étaient d’autant plus motivés qu’ils ont été systématiquement ostracisés et poursuivis sous Kaddafi. Leur culture était niée, leur langue interdite et leur région maintenue à l’écart du développement économique du pays », explique le chercheur Saïd Haddad.

Renaissance culturelle

Les Berbères Infusens ont été parmi les premiers à se soulever, à peu près en même temps que les Arabes de Benghazi. Le 22 février, ils publient sur internet une vidéo où ils déclarent se ranger du côté de l’opposition. Une semaine après, ils reconnaissent le tout jeune Conseil national de transition (CNT). Mi-juin, grâce au parachutage d’armes par les forces de l’Otan, ils ouvrent un front dans l’Ouest et prennent le contrôle des localités montagnardes.

« Les Berbères ont payé un lourd tribut à la guerre. Les kaddafistes ont bombardé les montagnes à l’arme lourde et incendié tout ce qu’ils pouvaient », raconte Masin Ferkal, professeur de berbère à Paris, qui s’est rendu dans la région à la mi-juillet. Malgré les dégâts, les montagnes berbères connaissent une véritable renaissance culturelle. Depuis la libération, tous les véhicules ont été repeints aux couleurs berbères, les inscriptions aux frontons des édifices publics sont désormais en alphabet amazigh et les écoles enseignent le tifinagh. Des radios ont commencé à émettre depuis Nalut ou Yefren en arabe et en berbère.

Décidés à planter le drapeau amazigh à Tripoli, les combattants ont progressé lentement mais sûrement tout au long de l’été. « J’ai été très marqué par leur détermination et leur optimisme. Ils sont organisés et très disciplinés malgré leur inexpérience. Et puis beaucoup d’entre eux ont de la famille à Tripoli et ils connaissent très bien le terrain », explique Masin Ferkal. Aujourd’hui, les combattants de Yefren assurent le commandement du centre de la capitale, et le CNT leur a accordé l’usage d’un bâtiment pour installer un centre média.

Patriotes

« Finalement, ils se mêlent peu aux autres combattants », reconnaît Masin Ferkal. Ce qui peut nourrir certaines suspicions quant à leur attachement à la nation libyenne. « Ils ont certes des revendications particularistes, mais ils font partie du mouvement national et se sont autant battus comme Libyens que comme Berbères », estime Salem Chaker, professeur à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco, Paris).

Des associations amazighs ont fait part de leur déception au CNT après la publication d’un projet de Constitution provisoire qui garantit les droits linguistiques et culturels des Amazighs, mais sans officialiser leur langue. « C’est clairement un point de discorde, souligne Salem Chaker. Le CNT semble verser dans l’idéologie arabiste dominante depuis le nassérisme. Mais, s’ils font preuve d’intelligence politique, les Berbères pourraient tirer profit de ces circonstances exception­nelles. » Très attentifs à ce qui s’est passé ailleurs et notamment au Maroc, où la nouvelle Constitution reconnaît la langue amazigh comme langue officielle, les militants berbères multiplient les contacts à l’étranger – à Rabat, à Paris, mais aussi aux Pays-Bas ou au Qatar – pour prendre conseil.

« Ce qui se passe en Libye est une chance pour la berbérité dans tout le Maghreb et un échec de la politique du “diviser pour régner”. Cela montre aux habitants de cette région que les Berbères sont des patriotes comme les autres, attachés à leurs racines, prêts à se battre pour leur pays et pour la liberté », conclut le Marocain Moha Moukhlis, responsable du journal Agraw Amazigh.

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