Gustavo Kuhn | 13.09.2011 | 16:57
Dans son premier discours prononcé à Tripoli, lundi soir, le président du Conseil national de transition (CNT), Moustapha Abdeljalil, a affirmé que la nouvelle Libye sera un Etat de droit dont la législation sera principalement inspirée par l’islam. Pour Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen de Genève, le chemin est encore long pour construire une démocratie en Libye. Interview.
Après le discours de Moustapha Abdeljalil, peut-on déjà voir se dessiner un modèle politique pour la Libye du futur ?
Il faut d’abord remettre ces déclarations dans leur contexte. Il a avant tout prononcé un discours de circonstance. Pas un véritable programme politique. Il est d’ailleurs volontairement resté vague pour ne fâcher personne. Dans l’euphorie de révolution, il doit contenter les diverses composantes de la rébellion. Les différentes tendances islamistes, mais aussi ceux qui rêvent d’un Etat plus libéral, plus laïc. Cela, en répondant aussi aux attentes de la France et des Etats-Unis qui les ont soutenus. Moustapha Abdeljalil parle ainsi d’Etat de droit pour rassurer les Occidentaux. Mais affirme aussi que la législation sera inspirée de l’islam, car il s’agit d’une valeur refuge pour l’ensemble des Libyens. Reste qu’il est encore beaucoup trop tôt pour savoir ce qui va vraiment sortir de la future constitution.
Les nouvelles autorités peuvent-elles s’inspirer du système politique d’un pays de la région ?
Force est de constater que le monde arabe ne brille pas par ses systèmes démocratiques. Je pense que Moustapha Abdeljalil regarde du côté du modèle turc. Mais celui-ci est impossible à copier. Car outre le fait que la Turquie n’est pas un pays arabe, son système politique a été construit sur des décennies et sur la base de la laïcité. Le Liban est aussi très différent, car il s’agit d’un pays multiconfessionnel. L’Egypte et la Tunisie cherchent leurs voies vers la démocratisation. Le Maroc et la Jordanie ont un système parlementaire, mais sont des monarchies où le roi garde un important pouvoir. Quant à la Syrie ou les pays du Golfe, ce sont clairement des systèmes autoritaires. Bref, si la Libye va vers une démocratie musulmane, le modèle sera libyen.
Peut-on espérer voir naître cette démocratie dans un avenir relativement proche ?
L’impatience ajoute encore de la difficulté pour réussir la transition. Car si Kadhafi a fédéré contre lui les différentes composantes de l’opposition, ce sera beaucoup plus compliqué de maintenir l’unité pendant la reconstruction. D’autant que le défi que doit relever la Libye est plus difficile que celui de l’Egypte ou de la Tunisie. Car ces pays comptaient avec une société civile et des structures étatiques. Ce n’est pas le cas en Libye, où tout est à construire. Sans oublier que plusieurs villes sont encore contrôlées par les troupes de Kadhafi.