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La population se mobilise en Kabylie contre les enlèvements

AFP, 17 mai 2011

mardi 17 mai 2011, par Tilelli

De Béatrice KHADIGE (AFP) – 17 mai 2011

BENI-DOUALA — "Nous irons jusqu’au bout, et sans rançon, pour ramener Mourad Bilek sain et sauf", clament les villageois lors d’une journée ville morte dans quatre communes, à propos de ce jeune homme de 18 ans, qui est la 63e personne enlevée depuis 2005 dans un secteur proche de Tizi-Ouzou (Kabylie, est de l’Algérie).

"Stop aux kidnappings. Libérez Mourad" Bilek, enlevé le 11 mai, proclament des banderoles suspendues au-dessus des routes de la région, visibles jusqu’à l’entrée de Tizi Ouzou, la principale ville de Kabylie.

Mourad Bilek est le frère d’entrepreneurs aisés. Les habitants interrogés n’identifient pas les ravisseurs, mais certains parlent d’une "nébuleuse islamo-mafieuse".

Tous les commerces et administrations locales ont fermé mardi et des centaines de personnes se sont rassemblées à Beni-Douala, Beni-Aïssi, Aït Mahmoud, Beni Zmenzer, les quatre communes de cette sous-préfecture, forte de 50.000 habitants.

"C’est la première fois qu’il y a une aussi grosse mobilisation après un enlèvement dans la région", se félicite le maire de Beni-Aïssi, Berchiche Hayouni.

Il y a eu au moins cinq enlèvements dans cette zone montagneuse depuis 2005. Car après Mourad Bilek, samedi dernier, le propriétaire d’une unité de poteries de 71 ans s’est fait prendre par quatre hommes en rentrant chez lui, à Mechtras (35 km de Tizi-Ouzou).

Selon son fils, Slimane Hamour, les représentants de 15 villages devaient décider mardi "d’actions à mener pour obtenir sa libération".

A Béni-Douala, village de Mourad, et aux alentours on affiche la mobilisation.

"Nous avons posé un ultimatum aux ravisseurs qui a expiré hier soir", explique Amar Bezzouh, son cousin. "Après la journée ville-morte, que nous avons gagné à 100% - regardez autour de vous ! -, demain nous organisons une caravane pour ratisser les forêts alentours. Tous les jours nous mènerons des actions", affirme ce concessionnaire de voitures.

"Nous restons pacifiques et pas question de verser un sou", souligne-t-il.

Verser une rançon à des ravisseurs est passible de prison en Algérie.

"Notre famille est une cible. Il y a deux ans, ils avaient enlevé notre oncle et ils l’ont relâché sous la pression", sans argent, affirme Belkacem Bilek, frère de Mourad rentré d’urgence de Paris au lendemain de l’enlèvement de son frère.

Mourad Bilek s’est fait "enlever à 8 heures du matin à un faux barrage par des hommes déguisés en policiers et en militaires", raconte cet informaticien de 33 ans.

Depuis, plus de nouvelles. Pas de demande de rançon. "Nous ignorons qui est derrière", affirme Amar Bezzouh."De toutes façons, nous ne sommes pas prêts à donner de l’argent pour qu’ils achètent des armes et nous tuent".

De nombreux enlèvements sont attribués à des islamistes pour financer leurs actes. Mais les parents des victimes préfèrent la discrétion sur ce dossier.

Pour les Kabyles, ces enlèvements sont une catastrophe, car ils visent surtout les entrepreneurs. L’un d’eux en novembre dernier a essayé d’échapper à ses ravisseurs, il en est mort. Ses obsèques près de Tizi-Ouzou ont drainé des milliers de sympathisants.

Ici environ 60% des gens sont au chômage, crie un manifestant. "Et les entrepreneurs s’en vont, ils ont peur. Ils délocalisent", renchérit M. Bezzouh.

Du côté des autorités, la réponse est laconique, rapportent les proches : "l’enquête suit son cours".

En février, elles avaient annoncé l’arrestation d’un gang de huit ravisseurs se faisant passer pour des islamistes.

Il y a dix ans, les émeutes dites du "printemps noir" avaient chassé les gendarmes de Kabylie suite à la mort d’un jeune. La répression des émeutes avait fait 126 morts et des centaines de blessés. Le retour des gendarmes est en cours.

Copyright © 2011 AFP.

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