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Ibrahim Ag Mohamed Assaleh : « Le MNLA négociera avec des autorités légitimes »

RFI, le 2 avril 2012

mardi 10 avril 2012, par Tilelli

Au Mali, depuis vendredi, Kidal, Gao et Tombouctou sont tombées aux mains des rebelles touaregs. Une première depuis l’indépendance du pays en 1960. Parmi les vainqueurs de cette guerre éclair, il y a le MNLA, le Mouvement national de libération de l’Azawad. Rencontre avec le député malien Ibrahim Ag Mohamed Assaleh, élu de Bourem au nord du pays, et proche du MNLA.



RFI : Pourquoi vos frères touaregs se sont-ils emparés des grandes villes du Nord : Gao et Tombouctou ?

Ibrahim Ag Mohamed Assaleh : Le MNLA s’est emparé des villes de Gao et Tombouctou dans l’objectif de la libération de l’Azawad, ces trois régions nord du Mali que sont Kidal, Gao et Tombouctou.

RFI : Quand vous dites la libération, vous voulez-vous dire qu’ils veulent l’indépendance ?

M.A. : Oui, l’indépendance. Il ne faut pas rester figé derrière l’indépendance territoriale qui peut ne pas être la revendication proprepent dite. Il s’agit plutôt d’une indépendance économique, politique, juridique. Vous vous savez depuis l’indépendance ce sont les communautés du Sud qui se sont emparées du pouvoir, et elles ignorent totalement les réalités des communautés de l’Azawad. Elles ont géré le pouvoir comme elles l’ont hérité des colonisateurs, ce qui a amené vraiment un grand écart entre le Nord et le Sud. Ce n’est pas simplement entre les Touaregs et puis le reste du pays mais entre les Sonrhaïs, les Touaregs, les Peuls et même les Arabes, et puis le reste du pays.

RFI : Donc ce serait une indépendance à l’intérieur de la République du Mali ?

M.A. : Ce pourra être une indépendance à l’intérieur de la République du Mali. Je crois que le moment opportun, le moment venu, quand le bureau, la classe politique du MNLA et de l’Azawad se réuniront dans quelques jours, ils décideront quel est le meilleur chemin à suivre. Mais il faut plutôt aller vers une indépendance, je dirais interne, sur le plan culturel, sur le plan économique, sur le plan social, sur le plan politique et sur le plan sécuritaire. D’ailleurs je lance un appel aux militaires du MNLA, qui par leur courage ont pu libérer les trois régions nord du Mali, de garder dans leur esprits qu’ils seront responsables de tout acte de vandalisme, de pillages, d’insécurité qui pourra compromettre la quiétude de la population.

RFI : Ce week-end, à Gao comme à Tombouctou, des témoins disent que des banques et des bâtiments publics ont été pillés par des hommes en armes. Est-ce qu’il n’y a pas un problème de discipline au sein des troupes touarègues ?

M.A. : Je crois que rien ne prouve que ce soient les troupes du MNLA qui ont fait ces actions. Mais ce qui est clair, nous, en tant que élus de ces populations, nous les tiendrons responsables de ces actes de vandalisme, quelles que soient les personnes qui les ont perpétrés.

RFI : Sur le terrain, il n’y a pas que le MNLA. Il y aussi le mouvement islamiste Ansar Dine, qui a joué un rôle important dans les victoires militaires de ces trois derniers jours. Comment le MNLA va-t-il cohabiter avec ces islamistes ?

M.A. : Le mouvement islamiste Ansar Dine a participé à l’attaque des villes du nord-est, qui sont Kidal, Tessalit et Aguelhoc, mais il n’a pas pris part à celles de Gao et de Tombouctou. Ce sont plutôt des milices progouvernementales, que nous avons communément appelé dans notre jargon « les milices arabes », qui ont voulu participer à Gao et à Tombouctou aux côtés du MNLA. Et là, je vous avoue que suivant la source d’information que j’ai de Gao, ce sont elles qui, lors de l’arrivée du MNLA au camp militaire, lorsqu’ils l’ont conquis à la tombée de la nuit, sont rentrées en ville pour essayer de faire du vandalisme. Les miliciens ont ouvert des magasins, même ceux du CICR, et la banque aussi a été pillée. Il faut restituer à chacun ce qui a été pillé. Que ce soit des biens publics ou privés. RFI : A Gao, des témoins nous disent aussi que des barbus ont détruit des hôtels et des bars ce week-end. Est-ce que vous allez pouvoir vous entendre avec ces barbus ?

M.A. : Moi je crois qu’il n’y a aucune entente entre nous et les barbus. Il faut que ce soit très clair. Il n’y a aucune entente, parce que nous sommes des musulmans e et nous n’avons pas besoin d’une religion importée par des gens qui ont des agendas ignorés par nous-mêmes. Je crois que les jours à venir seront décisifs par rapport à notre vision dans ce cadre.

RFI : Et est-ce qu’un jour le MNLA et le mouvement Ansar Dine ne vont pas s’affronter pour le contrôle de ces grandes villes du nord ?

M.A. : Je pense qu’Ansar Dine c’est une vision politique, ce n’est pas une vision terroriste. Je pense qu’à ce stade, il n’y aura pas d’affrontements entre les deux. Mais plutôt, il faut prévoir un affrontement entre les forces du MNLA et les velléités terroristes d’Aqmi. C’est ça qu’il faut craindre. RFI : A Bamako, le chef de la junte, le capitaine Sanogo, a annoncé hier soir qu’il avait envoyé des émissaires auprès des forces touarègues pour négocier un cessez-le-feu. Qu’en pensez-vous ?

M.A. : Moi, je vous dirais clairement que nous disons à Sanogo, qu’il n’est, ni reconnu légitimement par le peuple malien, ni par la communauté internationale. Donc, il ne faut pas qu’il se leurre en pensant qu’il négociera quoi que ce soit avec le MNLA.

RFI : Mais est-ce qu’il ne faudra pas, quand même, signer très vite un cessez-le feu, pour mettre fin aux souffrances des populations ?

M.A. : Tout à fait. Il le faut, mais il faut le faire avec les autorités légitimement reconnues par le peuple malien et par la communauté internationale. C’est-à-dire qu’il faut que Sanogo accepte de donner le pouvoir au peuple malien, à qui il l’a retiré. Je n’ai pas dit qu’il va le remettre à Amadou Toumani Touré, mais il va plutôt le remettre à quelqu’un en rapport avec le plan proposé par la Cédéao dans le cadre d’une sortie de crise.

RFI : Et quel appel lancez-vous à la Cédéao ?

M.A. : De remettre les pieds sur terre, et de ne pas se mêler des affaires du nord du Mali, en disant qu’il enverra 2 000 hommes. Je crois que ce ne sera que jeter de l’huile sur le feu. Nous lançons un appel à la Cédéao, pour qu’elle se joigne à la communauté internationale, afin de trouver une issue diplomatique à cette crise plutôt qu’une issue militaire. Sinon, la Cédéao toute entière se taira, c’est moi qui vous le dit. Parce qu’il y a des Touaregs, non seulement au Niger, qui sont montés au créneau depuis que la Cédéao a fait cette annonce, et qui sont prêts à venir en aide à leurs frères maliens. Il y a le camp même des Touaregs du Mali, qui est en train de se resserrer, renforcé par la défection du colonel El Hadj Ag Gamou pour rejoindre le MNLA. Jamais il n’y a eu une attention particulière à ce problème, que ce soit de la Cédéao ou de la communauté internationale.

Propos recueillis par Christophe Boisbouvier

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