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Ce Sahel qui déstabilise l’Afrique

Le Pays , le 8 mars 2012

jeudi 8 mars 2012, par Tilelli

Faut-il négocier avec la rébellion touarègue au Mali ? Une question qui divise l’Afrique. Et attise les rivalités régionales.

Le Sahel serait-il devenu soudainement un enjeu international au point de mettre en danger l’équilibre sous-régional et de compromettre la paix par rébellion touarègue interposée ? La question vaut son pesant d’or, de pétrole et d’uranium. D’autant plus que les tentatives de médiation semblent se heurter à un mur invisible d’hostilité manifeste.

Les combats fratricides s’intensifient dans le nord malien. Encore une fois, ils opposent depuis la mi-janvier 2012, l’armée nationale aux rebelles touaregs du MNLA (Mouvement national pour la libération de l’Azawad).

Cela a contraint les populations à fuir leur village par dizaines de milliers. Beaucoup se sont réfugiés dans les pays voisins dont le Burkina Faso. Afin d’éteindre cet incendie qui menace d’embraser toute la sous-région, de nombreux acteurs régionaux ou internationaux ont entrepris des tentatives de médiation.

Toutefois, les résultats concrets tardent à venir, à deux pas de l’élection présidentielle au Mali (elle doit être organisée en avril 2012) et à la veille de la saison des pluies.

L’engagement du Burkina Faso

Pour Djibrill Bassolet, le ministre burkinabè des Affaires étrangères, l’enjeu de la paix et la stabilité en vaut la peine. Les initiatives de médiation entreprises par le Burkina Faso se sont en effet multipliées ces derniers temps.

Les autorités burkinabè semblent déterminées à jouer les bons offices dans la résolution de la crise. L’Algérie étant de ceux qui perçoivent le mieux les tenants et aboutissants de cette rébellion, le ministre burkinabè des Affaires étrangères n’avait donc pas omis de s’y rendre.

Il a ensuite séjourné le 5 mars au Mali où il a été reçu par le président Amadou Toumani Touré. Djibrill Bassolet juge impératif d’obtenir un cessez-le-feu.

L’agenda de sortie de crise qu’il propose devrait permettre la tenue de l’élection présidentielle malienne, le 29 avril prochain, et éviter les risques d’un vide constitutionnel. Toutefois, un mur d’hostilité manifeste semble se dresser devant le ministre Bassolet.

A Alger, on s’est toujours voulu très vigilant. En tant que puissance régionale, l’Algérie demeure très jalouse de ses prérogatives. Jamais ce pays n’a caché son hostilité envers les intrusions venant d’outre-mer.

S’agissant en particulier de cette autre crise qui a des ramifications avec Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), l’Algérie n’entend pas se faire damer le pion par des puissances étrangères. Or, les autorités du Burkina Faso s’entendent bien avec la France !

L’Algérie très jalouse de ses prérogatives

De là à avoir le sentiment que Ouagadougou est manipulé par Paris, le pas est vite franchi. A travers les tentatives burkinabè de médiation de la crise malienne, Alger pourrait donc voir la main de la France et émettre des réserves.

Les suspicions d’Alger se trouvent renforcées avec la récente tournée en Afrique de l’Ouest du chef de la diplomatie française, Alain Juppé.

La France encourage une solution négociée avec tous les acteurs de la crise, y compris le MNLA. Il faut donc, estime-t-on, trouver un cadre de négociation.

Objet de convoitises, la zone militaire de Tessalit est considérée comme une zone hautement stratégique. Située à la frontière algérienne, c’est un observatoire régional idéal, très convoité depuis des années par des puissances étrangères. Ancienne puissance coloniale, la France est particulièrement suspectée.

Elle l’est devenue davantage à la suite de l’installation à l’Elysée de Nicolas Sarkozy (en 2007). Celui-ci s’était en effet donné pour mission de redessiner certaines cartes géographiques. Comme Bush fils naguère à la tête des Etats-Unis, il a lui aussi toujours rêvé de dominer le monde et même de lui dicter sa loi.

Du moins, certaines parties de la planète, les pays pauvres et les ensembles fragiles surtout. Mais comme son prédécesseur et ami, il aura certainement du mal à réaliser cette ambition. Car, les peuples seuls font l’histoire. Contrairement à ce que l’on espérait, la résolution de la crise entre le Mali et certains de ses citoyens touaregs entrés en rébellion pourrait donc prendre du temps. Et si les choses devaient vraiment rester en l’état, il faut craindre que l’option militaire ne prenne le dessus.

Dans cette hypothèse, il n’est pas exclu que les pays membres de la Cédéao (Communauté économique de développement des Etats de l’Afrique de l’ouest) entrent dans la danse aux côtés d’un Etat membre agressé.

Car, de plus en plus, on sent l’agacement gagner les rangs des autres peuples de la sous-région. Il faut redouter les conséquences d’un échec éventuel des tentatives de médiation.

Dans un tel scénario, quel sort réserver à ceux qui ont osé prendre les armes au Mali, un pays respecté et envié par tant d’autres sur le continent, car l’exercice du jeu démocratique y est une réalité ?

Comment vont-ils se justifier dans une Afrique résolument déterminée à trouver remède aux nombreux contentieux politiques et sociaux par la voie des urnes ? De toute évidence, les ambitions séparatistes de la rébellion sont désormais connues.

Cette lutte vise officiellement à « libérer » un pan du territoire malien. Elle pourrait donc s’étendre à d’autres pays puisqu’il est prévu de fonder un ... empire touareg ou plutôt un … Etat touareg !

Peu de soutiens

La tentative de déstabilisation est donc manifeste, avec les résurgences de séparatisme qui vont avec. Mais cette « cause » aura bien du mal à se vendre en Afrique subsaharienne. Elle est fondamentalement en contradiction avec l’idéal panafricaniste défendu par l’Union africaine (UA), notamment le respect du sacro-saint principe de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation.

Pour Djibrill Bassolet, ministre des Affaires étrangères du Burkina Faso, « l’agenda du MNLA, (l’indépendance régionale), est hors de portée. La communauté internationale n’est pas prête à soutenir un tel agenda. »

C’est dire que ceux qui militent en faveur des rebelles auront du mal à le faire de plus en plus ouvertement car le contexte s’y prête moins. Les Africains sont décidés à ne pas revenir en arrière. Ils aspirent à plus de démocratie et privilégient la voie du dialogue républicain, laquelle repose sur le respect des urnes.

Les prétendus défenseurs de la cause touarègue auront du mal à convaincre, d’autant que les narco-trafiquants ont redoublé d’ardeur ces dernières années sur le continent, notamment dans le Sahel.

- Lire sur le site de Slate Afrique

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