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Libye : du mauvais usage de la diplomatie du perron

Editorial du Monde, 11 mars 2011

samedi 12 mars 2011, par Tilelli

Les affaires libyennes ont toujours eu un côté baroque, à l’instar des tenues qu’affectionne le colonel Mouammar Kadhafi. Est-ce une raison pour que la France conduise sa politique à l’égard de ce pays de façon aussi... abracadabrante, comme elle en a donné, jeudi 10 mars, la pénible impression ?

Ce jour-là, les ministres des affaires étrangères de l’Union européenne (UE) étaient réunis à Bruxelles pour tenter de définir une position commune sur la Libye.

Il s’agissait de préparer un sommet européen exceptionnel, où les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-sept devaient répondre, vendredi, à deux questions. L’UE doit-elle reconnaître formellement l’organe de représentation de la rébellion libyenne ? Et doit-elle aussi se prononcer en faveur d’une action militaire contre les forces du colonel Kadhafi ?

Tout compte ici, le fond et la forme. Après la piètre prestation de l’Europe dans le conflit des Balkans, au milieu des années 1990, on est en droit d’attendre de l’UE qu’elle soit au rendez-vous de la crise qui bouleverse sa rive sud. C’est l’occasion d’afficher un minimum de personnalité européenne sur la scène internationale. C’est un test de la volonté et de la capacité de l’UE à exister en tant qu’entité singulière sur un sujet qui la concerne au premier chef.

L’enjeu est important. Il imposait à Paris de respecter le calendrier - préparation jeudi, décision commune vendredi -, pas de faire cavalier seul dans la précipitation et l’improvisation. Ce fut jeudi, hélas, le registre choisi par l’Elysée.

Après avoir reçu trois de ses émissaires accompagnés de l’écrivain Bernard-Henri Lévy, Nicolas Sarkozy faisait savoir que la France reconnaissait l’opposition libyenne regroupée au sein du Conseil national de transition (CNT) comme "le représentant légitime du peuple libyen".

Sur le fond, pourquoi pas ? Mais pourquoi l’annoncer à Paris pendant que, compétent, sérieux et animé du sens de ce qu’est l’Europe, le ministre des affaires étrangères, Alain Juppé, était à Bruxelles pour participer à l’élaboration d’une position commune sur ce sujet ?

Revenait-il à Bernard-Henri Lévy, dont on respecte les engagements militants, de se transformer en porte-parole de l’Elysée et du Quai d’Orsay pour déclarer, après les insurgés libyens, que la France allait envoyer un ambassadeur à Benghazi, la place forte de la rébellion contre Kadhafi ?

Paris a donné l’impression d’un comportement de matamore. Comme s’il s’agissait de l’emporter dans une course à l’affichage de la position la plus anti-Kadhafi qui soit.

C’est dommage. La France défend des positions justes en Libye. La première, elle a affirmé, avec raison, que le colonel Kadhafi devait quitter le pouvoir. Sans doute n’a-t-elle pas tort non plus d’évoquer une action militaire, dès lors qu’elle bénéficierait d’un mandat de l’ONU. Nos partenaires européens sont plus hésitants, notamment l’Allemagne. Il s’agit de les convaincre, à huis clos, pas de gesticuler sur le perron de l’Elysée.

Article paru dans l’édition du 12.03.11

Lire l’article sur le site du Monde.fr

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