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IYAD AG GHALY : Cet homme est dangereux !

L’Aube, 2 décembre 2011

dimanche 29 janvier 2012, par Tilelli

L’ex chef de la rébellion et du Mouvement populaire de libération de l’Azawad (MPLA), Iyad Ag Ghaly, a rejoint les soldats (Ifogas) rentrés de la Libye (cf. L’Aube n°383 du jeudi 17 novembre 2011 sous le titre « Nord Mali : Iyad se dévoile »). Pour qui connaît le passé de cet homme, il représente un danger pour la stabilité du pays et la quiétude des populations.

En 1990, le nord du Mali s’était subitement embrasé avec l’éclatement d’une rébellion armée qui avait fait de nombreuses victimes (civiles et militaires). A l’époque, le premier mouvement à déclencher les hostilités à Ménaka et Tinzawaten était le Mouvement populaire de libération de l’Azawad (MPLA). Des garnisons militaires et des postes de gendarmerie furent simultanément attaqués. Iyad Ag Ghaly (avec d’autres) venait fraichement de quitter la légion islamique libyenne (un contingent supplétif de l’armée) que Kadhafi avait créée pour la guerre au Tchad.

Il a fallu la signature des premiers accords d’Alger et celle du Pacte national (1992) pour mettre fin (provisoirement) aux hostilités dans le septentrion malien. Entre temps, le MPLA a connu des dissidences. Iyad était de plus en plus contesté par certains camarades qui ont finalement quitté le mouvement. Mais, il réussit à maintenir son leadership sur ses compagnons Ifogas, jusqu’à la signature du Pacte national. Le pacte prévoit l’intégration des combattants des Mouvements et fronts unifiés de l’Azawad (MFUA) au sein des forces armées et de sécurité.

Iyad Ag Ghaly, contrairement aux autres chefs militaires et politiques des MFUA, se met en marge du processus d’intégration. Il aurait à l’époque exigé des autorités un joli magot pour monter ses propres « affaires ». Quelles affaires ? Nul ne connaît en réalité les activités réelles de cet homme depuis la fin de la rébellion de 1990. Son vrai visage est, en effet, resté longtemps caché sous un turban. Et il multipliait les déplacements entre Bamako, Kidal et l’extérieur.

Ainsi, au fil du temps, Iyad dilapide tout l’argent à lui offert, même s’il est parvenu à se faire construire deux appartements à Bamako (Kalaban Coura) et à Kidal.

En 2006, les Libyens louent celui de Kidal à 1 million de FCFA par mois afin d’abriter le siège du consulat qu’il s’apprêtait à ouvrir. Mais ce consulat n’ouvrira jamais ses portes. Du coup, Iyad voit ses rêves financiers partir en fumée. Entre temps, à partir de janvier 2006, la tension ne cessait de monter à Kidal.

En effet, le colonel Hassane Fagaga et un groupe d’intégrés quittent les garnisons militaires et prennent le maquis. De même, des jeunes (ex combattants) qui avaient bénéficié de fonds pour leur réinsertion dans le secteur économique exigent de nouveaux financements. Les premiers fonds offerts à eux dans le cadre du Pacte national avaient été mal gérés. Au même moment, Ibrahim Ag Bahanga multiplie les menaces et les revendications. En somme, le mercure montait à Kidal à une allure préoccupante. Mais derrière toute cette agitation, se cachait un homme : Iyad Ag Ghaly. L’ex chef de la rébellion tirait incontestablement les ficelles de la contestation en même temps qu’il offrait ses services aux autorités pour gérer la crise latente.

« Je n’ai rien obtenu de ATT »

En mai 2006, Iyad Ag Ghaly quitte précipitamment Kidal pour Bamako. Mais avant, il reçoit Bahanga. Que se sont-ils dit ?. Le 22 mai 2006, Iyad est reçu à Koulouba par le président ATT. L’entretien porte sur les revendications des jeunes et celles des militaires déserteurs conduits par Fagaga. ATT fit part à Iyad, des démarches déjà entreprises par le gouvernement, notamment l’envoi (quelques jours avant) d’une mission conduite par le ministre de l’Administration territoriale et des Collectivités locales, Kafougouna Koné. Le chef de l’Etat aurait promis à son interlocuteur du jour de s’investir personnellement pour la satisfaction de certaines doléances des jeunes.

Au terme de cet entretien, c’est un Iyad Ag Ghaly déçu qui a quitté Koulouba. Selon des indiscrétions, l’ex chef rebelle espérait, au-delà du discours présidentiel obtenir une enveloppe à défaut d’une mallette. En réalité, toute l’agitation à Kidal n’avait qu’un seul objectif : soumettre l’Etat à un chantage. Et lors d’un déplacement à Kidal, en avril 2006, du ministre Kafougouna Koné, accompagné du directeur de cabinet de Mouammar Kadhafi, Bachir Salah Bachir, la tonalité des interventions ne laissait planer aucun doute sur les intentions de Iyad Ag Ghaly et ses acolytes.

Après son entrevue avec le président Touré, Iyad était arrivé à la conclusion suivante : l’Etat ne lui offrira aucune prime. Ainsi, il appelle ses hommes de main, Ibrahim Bahanga et Hassane Fagaga. « Je n’ai rien obtenu de ATT… », tel pourrait être le message passé par Iyad à ses subordonnés, et décrypté sous la forme d’un ordre d’attaquer Kidal. Le lendemain, 23 mai, la 8è région se réveille sous le choc. La garnison militaire, les brigades de la gendarmerie, et de la garde sont attaquées. Les auteurs ? Ibrahim Ag Bahanga et Hassane Fagaga à la tête d’un groupe de combattants.

Peu avant, Iyad Ag Ghaly avait nuitamment quitté Bamako pour Kidal. L’ex chef de la rébellion confie à son entourage que sa vie était menacée. D’où l’obligation pour lui de quitter la capitale. Et qu’il avait été contraint de contourner fréquemment les axes routiers pour sauver sa peau. Vrai ou faux ? En laissant filtrer de telles confidences, Iyad Ag Ghaly cautionnait l’attaque de Kidal, dont il était, en réalité, l’instigateur. Dès lors, il sort une nouvelle carte de sa manche. De 2006 à 2009, Iyad (en fin manœuvrier) se met dans une position de médiateur entre l’Etat et ceux qui étaient présentés comme membres de l’Alliance, un mouvement créé suite aux événements du 23 mai 2006 à Kidal.

Dans cette position, le rentier (Iyad) tend la main à toutes les parties susceptibles de lui apporter des mallettes remplies de liasses. Il négocie avec les autorités. Il sollicite à la fois les Algériens et les Libyens. Durant cette crise de Kidal, le rebelle excelle dans l’équilibrisme entre l’Etat, les insurgés, l’Algérie etla Libye.

Expulsé de Djeddah

A la signature de l’Accord d’Alger, il dicte ses exigences, dont la principale est le retrait de l’armée des localités du nord. Un an après, en 2007, l’Accord d’Alger a du plomb dans l’aile, Bahanga continue les hostilités. Mais dans l’ombre, il y avait toujours Iyad. Face à la crise, le colonel Kadhafi mène des négociations secrètes au Mali et en Libye. Des émissaires de l’Etat rencontrent Bahanga, en présence de Iyad à Tripoli. Alors que les deux parties étaient sur le point de conclure un accord, Iyad pose (une nouvelle fois) sa condition : le retrait de l’armée de Kidal. Au finish, la rencontre capote. En réalité, au-delà de Kidal, le monstre a étendu ses tentacules sur toute la zone nord du pays. Il traite à la fois avec les trafiquants, les salafistes et autres autorités locales maliennes et étrangères. Et la présence de l’armée le gène visiblement.

En février 2009, l’armée chasse Bahanga de la région de Kidal. La crise de Kidal venait ainsi de connaître son épilogue. Quant à Iyad, il accepte (momentanément) sa première fonction officielle. Il est nommé agent consulaire au consulat du Mali à Djeddah. Est-ce une manière subtile pour les autorités maliennes de l’éloigner de Kidal ? Possible. Mais Iyad ne fera pas un long séjour sur le sol du Royaume d’Arabie Saoudite. Il aurait été expulsé à cause, dit-on, d’activités subversives. Pas surprenant pour cet homme qui semble avoir le virus de la subversion dans le sang et qui avait subitement glissé sur le terrain religieux. Au Mali, et sur le plan religieux, Iyad ne faisait plus mystère de son appartenance àla Dawa, une secte islamiste. Ses fréquentations de certaines mosquées étaient suivies par les services de sécurité et même par certaines chancelleries occidentales à Bamako.

Après son expulsion de Djeddah, le rebelle renoue avec les navettes entre Kidal, Bamako, à l’extérieur. Son nom revient souvent dans les négociations visant la libération des otages occidentaux enlevés au Sahel.

Iyad attendait des mallettes de Tripoli…

C’est ainsi que le conflit en Libye arrive comme une aubaine pour Iyad qui connaît le rôle des soldats (touaregs) dans le dispositif sécuritaire libyen. Il active donc ses réseaux au Mali et en Libye. Il est sollicité par certains membres du CNT pour organiser la désertion de soldats (Ifogas) servant dans l’armée libyenne. Ceux-ci retournent finalement au pays avec armes et bagages. En retour, Iyad espérait un geste (de reconnaissance) venant de Tripoli pour sa « contribution » à fragiliser le système sécuritaire de Kadhafi. Las d’attendre, il a finalement rejoint les revenants dela Libye, notamment un groupe d’Ifogas qui a pris position dans les montagnes de Kidal. Mais, comme toujours, Iyad Ag Ghaly a suffisamment préparé le terrain à coup d’intoxication, de menaces et de fausses justifications.

Selon une source sécuritaire, il aurait par ailleurs démarché des chefs de fractions afin de les inciter à un soulèvement dont le but est « d’obtenir l’indépendance des régions » nord du Mali, voire la création d’un Etat islamique. Même discours tenu à certains chefs locaux d’Aqmi, avec qui il aurait de solides liens. Par contre, ce discours change à l’adresse des Occidentaux, notamment les Français.

Cependant, e n fin stratège, Iyad Ag Ghaly a toujours réservé une place aux négociations, tout en espérant au bout sur un geste financier. Ce qui pourrait expliquer toute l’agitation actuelle.

Mais il n’est pas seul. En effet, ils sont nombreux, à Bamako et à Kidal, à tenter de profiter de chaque tension dans la 8è région sous le couvert de négociateurs, médiateurs ou facilitateurs. En réalité, ils sont devenus des pompiers pyromanes qui arrivent toujours à tirer leur épingle du jeu.

Aujourd’hui, la menace Iyad est donc réelle. Selon de nombreux observateurs, les actes de banditisme, et d’enlèvements intervenus récemment dans le septentrion malien portent sa signature. Cet homme a suffisamment apporté la preuve de sa capacité de nuisance. Il est tout simplement une menace, pour Kidal et pourla République.

Cheickna Hamalah Sylla

- Lire l’article sur le site de l’Aube

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