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le Général de brigade ADAMOU KALIKOMO (MALI), chef d’État-major du CÉMOC, à “LIBERTÉ”

“Le Cémoc a déjà fait beaucoup de choses au Sahel”

Liberté, le 28 janvier 2012

dimanche 29 janvier 2012, par Tilelli

La silhouette svelte dans son uniforme de parachutiste, le général de brigade, Adamou Kalikomo, chef d’état-major du Comité d’état-major opérationnel conjoint (Cémoc) des quatre pays du champ (Algérie, Mali, Niger et Mauritanie), est un personnage peu loquace. À l’image des militaires du Sahel, il est davantage tourné vers l’action que vers la démonstration. Créé depuis moins de deux ans, le Cémoc, qui compte fédérer l’action militaire contre les menaces multiples au Sahel (terrorisme transfrontalier, contrebande, trafic de drogue, d’armes et de munitions), est en train de se doter d’une véritable expertise sur le terrain suite aux différentes opérations conjointes menées. Même si son action n’est qu’à ses débuts, le Cémoc et son bras du renseignement, l’UFL (Unité de fusion et de liaison), est en train de reconquérir une “zone grise” qui était à l’abandon. Courtisé par l’Africom et scruté par l’Otan, le Cémoc se donne le temps nécessaire et les moyens pour réussir sa mission de faire du Sahel une zone sécurisée et où l’intervention militaire serait le propre fait des pays du champ. C’est d’ailleurs ce que préconise le général de brigade Kalikomo.

Liberté : Vous allez céder le commandement du Cémoc à votre homologue mauritanien que vous dirigez depuis les six derniers mois. S’il est trop tôt pour vous demander de tirer un premier bilan, pourriez-vous, par contre, en tirer un depuis la création de cet organe qui en est à son vingtième mois d’activité ?

Adamou Kalikomo : Le bilan est disponible, même exhaustif. Je viens de le présenter, avant-hier, à la réunion des ministres des Affaires étrangères à Nouakchott. Bilan qu’eux ont trouvé positif. Il y a ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas. Ce qu’on voit, c’est tout le travail d’harmonisation des procédures entre les quatre états-majors des pays du champ, car chaque pays a sa procédure. Les codes de procédure opérationnels, les règles d’engagement et de comportement. Ce que les gens ne perçoivent pas. Des rencontres avec les états-majors d’unités qu’on a mis à notre disposition. On a également fait des rencontres avec les états-majors du Mali à Bordj Badji-Mokhtar, avec l’état-major du Niger à Aïn Guezzam et, bientôt, avec la Mauritanie. Il y a des travaux techniques tels que l’établissement de la liaison entre les quatre armées. Ce qu’on ne voit pas et qui relève du travail de fond. Mais ce qu’on peut voir, beaucoup de missions de recherche, de reconnaissance, de renseignement, des patrouilles conjointes et même des opérations sur le terrain. Le Cémoc a déjà fait beaucoup de choses au Sahel.

Général, il y a une forte idée reçue, notamment au sein des états-majors occidentaux qui persistent à voir les armées des pays du champ, selon l’expression consacrée, comme inaptes à s’entendre entre elles, et de ce fait, incapables d’opérer ensemble au Sahel. Qu’en pensez-vous ?

C’est une structure très jeune à ne pas comparer avec des structures plus anciennes. Même si elles ont mis du temps pour se mettre en place. On est dans une phase de montée en puissance. Malgré tout, on a pu mener des opérations sur le terrain. Moi, je crois que l’idée d’un échec de la coopération régionale est complètement fausse. Je suis témoin, lors de mes premières rencontres en Algérie en 1998 et 1999, on parlait déjà de la mise en place de patrouilles le long de nos frontières communes. On n’a pas attendu le Cémoc pour le faire. L’idée a existé et on a mené des opérations ensemble. C’est un faux procès. L’Algérie a mené des opérations conjointes avec le Niger, le Mali les a menées avec la Mauritanie. Le Cémoc a renforcé en donnant une structure viable à cette idée de coopération.

Généralement, les armées modernes appliquent le principe de communication qui consiste à agir et le faire savoir. Sur ce point, on a l’impression que l’action que diligente le Cémoc n’est pas appréciée à sa juste valeur et qu’il y a un déficit pour faire comprendre aux opinions publiques locales la justesse de la coopération régionale. Quel est votre sentiment sur ce point ?

Par rapport à la communication, nos États ont mis en place des structures, le Cémoc s’occupe de la partie opérationnelle. On est beaucoup plus discret. L’autre structure, qui est l’UFL, est une structure de communication. Il y a des journalistes de chacun de nos pays.

Il y a un mois, ils ont commencé leur travail, mené des missions d’information et de sensibilisation, d’abord en Algérie, après la conférence de septembre, à Aïn Guezzam, et effectué une mission au Mali. Ils vont aller en Mauritanie et au Niger. Nous-mêmes, nous avons senti la nécessité d’avoir en notre sein une cellule médias communication.

Cela va pallier le fait qu’on dise qu’on ne dit rien. Je vais proposer au président du conseil des chefs d’états-majors de créer un poste de conseiller en communication. La sensibilisation et l’information seront effectuées par l’UFL d’ici la fin 2012, ils ont un plan en route et je pense que l’opinion sera satisfaite.

Aqmi étant une menace commune aux pays du champ, mais depuis quelques mois, on note une accélération qui voit l’émergence du Mujao et l’extension des périls vers l’Afrique de l’Ouest, les retombées de la crise libyenne et la prolifération d’armes, les troubles touaregs et une plus grande instabilité de la région. Est-ce qu’il existe une réponse graduée au Cémoc par rapport aux menaces émergentes ?

C’est possible, avec une différence de perception entre les politiques et les militaires. Entre les militaires, entre nous, il n’y a aucun problème. Nous avons pu travailler très bien ensemble et nous l’avons démontré sur le terrain. La preuve, l’opération de la forêt de Ouakadou en juin 2011 a très bien réussi. Menée par les deux armées avec un bilan d’une quinzaine de terroristes neutralisés, des dizaines de véhicules détruits, et on a récupéré beaucoup d’armes et de munitions. C’est une preuve de la réaction du Cémoc aux défis qui nous sont posés. Je crois que depuis la conférence d’Alger, le Cémoc a tiré la sonnette d’alarme. Chaque pays sous l’impulsion du Cémoc a pris ses dispositions pour intercepter des convois d’armement. L’Algérie et le Niger ont intercepté des convois importants.

On fait tout pour empêcher la prolifération des armes dans la sous-région. Donc, chaque pays fait autant qu’il le peut. Chaque pays fait son devoir régalien. Le Cémoc coordonne les activités, mais chaque pays à son niveau fait son devoir régalien. Au-delà du Cémoc, mais chaque pays a sa part de responsabilité.

Mounir B.

- Lire l’article sur le site de Liberté

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