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« Des ‘‘think tank’’ projettent déjà l’image d’un Maghreb qui sera moins arabe et plus berbère »

dimanche 4 septembre 2011, par Tilelli

Grand reporter, rédacteur en chef et éditorialiste à TV5, Slimane Zeghidour a largement couvert le monde arabe au point de devenir un fin connaisseur de la région. En sus d’être un infatigable globe-trotter et une figure médiatique bien connue, l’enfant d’Erraguène (Jijel) est un homme d’une grande érudition. Esprit vif à la culture vertigineuse, il porte un regard bien singulier sur les événements qui agitent notre planète. Un regard où se mêlent l’histoire, l’anthropologie, la psychanalyse, la géopolitique, l’art, la philosophie… Nous l’avons sollicité pour disséquer le cycle insurrectionnel en cours, et il s’est prêté généreusement à l’exercice. Avec une vision lucide et un talent de conteur, il nous livre une analyse saisissante des bouleversements politiques qui ont changé le visage du monde arabe.

- Le régime de Mouammar El Gueddafi vient de tomber après six mois de combats. Comment réagissez-vous, à chaud, à cette chute ? Quelles auront été, selon vous, les spécificités de cette « révolution » libyenne ?

Une ère s’achève, une autre s’ouvre, la nature ayant horreur du vide. El Gueddafi fini, reste son héritage accablant, chaotique. Un constat d’abord : où sont donc passés ces soldats dévoués et patriotes, ces masses populaires ardentes, ces avions, tanks et missiles dernier cri ? Une leçon, ensuite : il ne peut y avoir d’armée efficiente dans un pays où règne la médiocrité, le laisser-aller et l’arbitraire. Une morale enfin : la pathétique solitude des dictateurs arabes. Voyez avec quelle désinvolture les « fidèles » du Guide l’ont lâché pour aller monnayer leur salut personnel contre les secrets d’Etat qu’ils détiennent. Ce type de régime a moins à voir avec la dictature de type européen ou latino-américain qu’avec la mafia, un mot qui viendrait de l’arabe « ma’afiya » signifiant la « protection ». La protection en échange de l’allégeance au chef. Mais dès que celui-ci flanche, il y a rupture immédiate du contrat. La singularité du cas libyen saute aux yeux.

Primo : les Egyptiens, les Syriens, les Tunisiens, les Yéménites sont tous sortis protester en arborant leurs couleurs nationales. Rien de tel avec les Libyens qui ont d’emblée hissé un nouveau-ancien drapeau, celui du royaume Senoussi, renversé par El Gueddafi le 1er septembre 1969. Secundo : au contraire de leurs frères arabes, les insurgés libyens ne se recrutent pas parmi les jeunes sans travail ni avenir. Ce ne sont pas des exclus, démunis de tout. Au contraire : il y a parmi eux des caciques du régime, des exilés qui ont fait fortune dans les pays anglo-saxons, des libéraux bon teint, des monarchistes, des islamistes plus ou moins repentis. Leur profil est très différent de celui des autres révoltés. Tertio : alors que les « révolutionnaires » tunisiens, égyptiens, syriens ou yéménites sont sortis mains nues crier leur soif de liberté, les Libyens, eux, sont soudain apparus bardés de roquettes anti-chars, d’orgues de Staline, de canons et d’uniformes venus de tous horizons. En un mot, en Libye, ce n’est pas une catégorie sociale qui s’est révoltée, mais une région, la Cyrénaïque, capitale de Benghazi.

- Comment envisagez-vous l’après El Gueddafi ? On sait que l’OTAN, et la France en particulier, se sont beaucoup impliqués pour soutenir le CNT. Certains prédisent déjà un gouvernement à l’irakienne après l’éviction de Saddam par les Américains...

El Gueddafi a tout fait pour gommer le brouillon d’Etat construit par la dynastie Senoussi. Il a aboli tout semblant d’institution un tant soit peu représentative, parti politique, syndicat, association de quartier, amicale de métiers. Il n’y avait ni conseil des ministres, ni véritable état-major militaire, ni députation ni même des ambassades à l’étranger, celles-ci étant réduites à de simples « bureaux populaires ». Tout est donc à faire et à refaire, à partir de zéro ou presque : le découpage administratif, les billets de banque ou les manuels scolaires, tous à la gloire du Guide, l’hymne national, les passeports, les timbres, les noms de lieux. Il faut récupérer les milliards placés ou investis hors du pays, revoir les contrats, reconstituer la police, l’armée... Et bien entendu, il faudrait trouver des cadres assez compétents, motivés et intègres pour s’atteler à ce chantier colossal. Avec la Libye, on aura assisté au troisième régime mis à bas avec l’appoint décisif d’une intervention militaire étrangère, terrestre en Afghanistan et en Irak, aérienne dans le cas libyen. On sait ce qu’il en est advenu de Kaboul et Baghdad : la fin des délires du mollah Omar et de la terreur de Saddam Hussein ont eu pour corollaire une division de fait de ces pays. Le Pachtoun Hamid Karzaï n’a pas réussi à se rallier les Ouzbeks de Mazar-i-Charif ni les Tadjiks du Pandjchir. Idem pour l’Irak, coupé entre un Nord kurde, un Sud chiite et un Centre sunnite, le tout sur fond de déplacements de populations visant à une sorte de purification ethnique sans armes ni violences. Qu’en sera-t-il de la Libye, un pays composite fondé sur un trépied assez bancal assemblant la Cyrénaïque, la Tripolitaine et le Fezzan, au Sud ? C’est un défi majeur que les futurs dirigeants devront relever, sous peine de partition, un risque qui n’a hélas plus rien de fictif depuis que le Soudan a subi l’ablation de son Sud, qui plus est avec l’aval de la Ligue arabe !

- Comment se dessine le nouveau Maghreb à l’aune de tous ces bouleversements, sachant que le CNT a toujours reproché au gouvernement algérien ses positions ambiguës vis-à-vis du conflit libyen et son soutien au colonel El Gueddafi ?

Nul ne sait de quoi demain sera fait. Tout le monde semble naviguer à vue, y compris les grandes puissances, tant il est vrai que les grilles de lecture issues de la guerre froide, les paradigmes géostratégiques et les schémas mentaux en vigueur jusqu’ici ne sont plus opératoires. Ils sont caducs, point barre ! Un ample mouvement de redistribution des cartes, y compris dans le sens géographique, est à l’œuvre sous nos yeux ébahis. Depuis 1991, l’ONU a accueilli une vingtaine de nouveaux Etats, le plus récent étant le Sud Soudan. Le dogme de l’intangibilité des frontières coloniales a vécu, voici venu le temps des minorités, des provinces et des principautés. Faut-il donc rappeler que sur les 230 000 km de frontières terrestres entre Etats, plus de la moitié, oui plus de la moitié, dont celles des pays arabes, ont été tracées par deux puissances, la France et la Grande-Bretagne ? On n’a jamais autant parlé de « Berbères » en Libye que lors de cette insurrection, non en tant que composante vitale de l’identité maghrébine mais en tant que corps social « à part », par opposition aux Arabes. Des « think tank » projettent déjà l’image d’un Maghreb qui sera moins arabe et plus berbère. En tout état de cause, les remous qui risquent d’affecter la Libye ne manqueront pas de peser sur le cours des transitions en Tunisie et en Egypte et, bien entendu, sur l’Algérie.

- Abordons maintenant le cas égyptien. Que vous ont inspiré ces images d’un Hosni Moubarak diminué, dans une posture peu glorieuse, porté sur une civière et comparaissant devant ce tribunal du Caire  ?

A vif, j’ai eu comme un flash fulgurant : l’image d’un autre dictateur, peut-être le premier tyran-bouffon jamais jugé en Afrique, celle de Macias Nguema, le président de la Guinée équatoriale, ex-colonie portugaise. Renversé puis capturé, ce mélange d’Amin Dada, de Pol-Pot et d’El Gueddafi est présenté au tribunal couché sur un brancard, l’air hébété. L’image fit sensation. Sous son règne (1968-1979), un tiers de la population avait fui le pays. Il avait interdit les timbres, le courrier, le port de chaussures. Et aboli toutes les religions, sauf son propre culte qu’on célébrait dans des temples répartis à travers tout le pays.

Voilà donc l’image qui gicla dans mon esprit en voyant Hosni Moubarak, alias « le héros de la traversée » (de la ligne Bar-Lev) ou « Vache qui rit », couché sur une civière, derrière des barreaux. Rien de glorieux dans ce spectacle, pas plus pour l’Egypte que pour la justice du pays, celle-là même qui aura, jusqu’ici, expédié des dizaines de milliers de citoyens dans l’enfer des bagnes de la Haute-Egypte. On ne se grandit pas en rabaissant un homme dans son humanité, aussi vil soit-il. Tout un chacun a droit au respect de son intégrité physique et morale, quand bien même il aura, lui, piétiné celles des autres. Réagir à la violence brute par une autre violence, c’est, au final, donner raison au tyran et lui concéder par là même une sorte de victoire. L’intérêt, la vertu pédagogique du procès de Moubarak n’est pas tant la juste sanction d’un responsable politique que la rupture une fois pour toutes avec le cycle infernal des violences politiques, qui ont déjà pourri la vie à deux générations d’Arabes, poussé des millions d’entre eux à un exil sans retour. Sur ce point, je reste redevable au Nobel de la paix argentin, Adolfo Perez Esquivel, d’une immense leçon d’éthique : il faudrait démontrer via le procès que non seulement le crime ne paye pas, mais qu’il se payera tôt ou tard. Rien ne serait pire que de laisser s’installer dans l’inconscient collectif l’idée que l’usage de la violence politique peut payer et même rester impuni. Ce serait laisser le portail grand ouvert à la tentation de la violence.

On n’a encore jamais vu une justice expéditive aboutir à un ordre stable. Au contraire, la vengeance appelle toujours la vengeance. Voilà pourquoi il faut couper net le cycle. Humilier, dégrader, tuer, assouvit non pas la soif de justice mais l’instinct de vengeance. Il faut méditer, à ce propos, le sort infligé au Premier ministre irakien Nouri Saïd (1888-1958), il y a déjà plus d’un demi siècle. S’étant évadé de son palais déguisé en femme, il fut reconnu, aussitôt lynché par une foule en furie qui accrocha son cadavre à une moto pour le traîner ensuite en macabre trophée à travers tout Baghdad. Cette image d’un Moubarak aux abois marque probablement un temps fort des révolutions arabes. C’est peut-être le moment de dresser un premier bilan de ce cycle insurrectionnel, notamment des révolutions tunisienne et égyptienne. Partagez-vous le sentiment selon lequel rien n’est encore réglé, que ce soit à Tunis ou au Caire ? On a vu les jeunes en Egypte réinvestir Maydan Atahrir pour exiger le départ du maréchal Tantaoui et sa clique…Rien n’est réglé, tout reste à faire. Une fois décapité, privé de son raïs, le pouvoir doit être reconstruit. Comment ? En le restituant aux citoyens qui vont, eux, choisir qui sera en mesure de l’incarner. Il ne s’agit donc pas de substituer une « tête » par une autre, mais de donner un autre contenu et une mission autre au pouvoir. Ce sera un travail ardu mais crucial. Faut-il rappeler que l’Etat républicain égyptien est dirigé par des militaires depuis sa création mi-1952 et que depuis lors, il n’aura eu que… trois présidents en 60 ans, dont un, Moubarak, 30 ans durant ? L’état des lieux est accablant : avec 5 à 6 millions de gratte-papiers d’une bureaucratie aussi impotente que tyrannique, deux à trois millions de soldats, gendarmes, policiers, indicateurs et autres seconds couteaux, l’Etat égyptien n’est plus qu’un monstre obèse, un Etat-parasite, un pur pouvoir d’obstruction. En clair, avant de songer à un Etat de droit, il faudrait bien commencer par y édifier déjà un Etat tout court.

Il faut donc se défier de la « pensée magique » selon laquelle la révolte en elle-même produit la révolution, soit le changement radical, la rénovation, le bonheur. C’est une vue de l’esprit, un leurre dangereux. C’est juste que la route est ouverte, mais que tout un chemin reste à parcourir pour la construction d’une société politique moderne, avec une séparation des pouvoirs, un Etat arbitre, un Etat puissant parce qu’il a l’assentiment de la population et non pas parce qu’il l’intimide ou la terrorise avec ses pléthores de flics et de mouchards. La seule et unique force d’un Etat, c’est la confiance qu’il inspire aux citoyens. Dans Le Prince, Machiavel propose toutes les recettes et les combines pour que le Prince puisse se maintenir au pouvoir : la manipulation, la corruption, la prébende, le chantage, les alliances matrimoniales, bref, toute sorte d’expédients. Et il termine en lui disant : « Mais sache quand même que le meilleur moyen de gouverner dans la quiétude et la prospérité, c’est d’être aimé par son peuple. » A bon entendeur…

- Vous être connu pour être un spécialiste de la géopolitique des religions. La donne islamiste revient avec insistance dans la reconfiguration de la société politique en Tunisie et en Egypte. Comment voyez-vous le positionnement de l’islamisme dans le nouvel échiquier politique qui se dessine dans ces deux pays ?

Je ferai d’abord une observation préliminaire. On parle de l’islamisme comme on parlerait du communisme. Or, il n’y a pas de doctrine islamiste. J’entends par là une théorie générale de l’homme et de la société, à l’instar de ce que l’on connaît dans les doctrines marxiste, fasciste, libérale. J’ai rencontré assez de dirigeants islamistes pour en parler : il n’y a pas de doctrine islamiste digne de ce nom. Rien d’étonnant à cela : le cursus académique des « penseurs islamiques », leur conviction que l’Islam recèle en lui tout le savoir humain - « El Islam din kamil chamil » -, leur peu d’intérêt pour les autres civilisations, tout cela fait qu’ils sont hors d’état de créer une idéologie islamique en prise sur le siècle et exprimée à travers un discours cohérent et universaliste. Il y a juste chez la plupart d’entre eux ce leitmotiv que le retour à un prétendu âge d’or de l’Islam résoudrait tous les problèmes. On est dans la pensée magique. Cela tend à dire que la piété en elle-même, par une opération du Saint Esprit, apportera la prospérité, la paix et le bonheur. Tout cela est bien joli, mais exercer le pouvoir ne consiste pas à protéger la religion mais à prévoir et à gérer des conflits incessants, à relever des défis inédits, à imaginer des solutions efficaces à des problèmes de plus en plus complexes. D’ailleurs, moi, si j’étais un islamiste, je prierais pour ne jamais exercer le pouvoir parce que ce serait prendre le risque de disqualifier la religion en lui faisant porter le chapeau de l’échec des hommes qui agissent en son nom.

- Pourtant, les mouvements islamistes, eux, se préparent activement pour s’engager dans cette bataille politique précisément…

Oui, je le vois. Cependant, le cas tunisien est singulier. Rien à voir avec l’Algérie ou l’Egypte. Un, la Tunisie n’a aucun problème identitaire. Tout le monde se sent tunisien, même les enfants de juifs tunisiens immigrés en Israël qui habitent Tel-Aviv ou Petakh-Tikva se définissent en tant que tels. Deux, il y a un bilinguisme arabe-français apaisé dont tout le monde se félicite, et qui plus est n’entame nullement le parler populaire tunisien. Quand on connaît le pouvoir de nuisance de ces deux problèmes en Algérie, on se dit que la Tunisie à vraiment de la chance. Trois, le pays a une histoire qui le distingue nettement de son voisin algérien. Un exemple, à Alger, le pouvoir ottoman n’a jamais été dévolu à des autochtones et ne fut exercé que par des « raïs » venus d’Europe, des renégats ou chrétiens convertis à l’Islam qui y ont vécu le regard fixé sur la mer, le dos tourné au pays profond.

Hussein Dey a signé la capitulation sans barguigner avant de gagner Naples avec son trésor et sa famille. Rien de tel en Tunisie, où les « pieds-noirs » ottomans, pour la plupart des Grecs ou des Crétois, se sont « créolisés » au même titre que les Espagnols d’Amérique du Sud qui ont fini par développer un patriotisme local, avec Simon Bolivar entre autres. Savez-vous que Bourguiba tout comme Bahi Ladgham ont des origines crétoises ? Et c’est quand même épatant de savoir que ce sont eux qui ont porté le patriotisme tunisien. J’ai vu comme tout un chacun la Tunisie fliquée à mort sous Ben Ali, un flicage absurde compte tenu du caractère pacifique et policé de la société. Sauf qu’il y a une classe moyenne et il y a un Etat en Tunisie. Et cela se voit tout de suite, dans le tissu urbain, dans la trame des paysages ruraux, dans la préservation du patrimoine historique dont chacun connaît la valeur. Il n’y a pas de HLM et pas plus de cité des « 1500 logements » ou encore des « 12 Salopards » comme on en voit à Alger ou à Tizi Ouzou mais également au Caire. Il y a de petites maisons de petits bourgeois. 80% des Tunisiens sont propriétaires de leur maison. Tout est tracé au cordeau, et la façade des maisons et des immeubles relève de l’espace public. On n’a pas le droit de mettre des barreaux à la fenêtre, de placer du zinc pour cacher la vue des femmes au balcon. Toutes ces choses-là n’existent pas en Tunisie. Et cela se répercute sur l’islamisme tunisien qui est un islamisme d’épargnant petit bourgeois, plus conservateur qu’intégriste. En tout cas, et jusqu’à nouvel ordre, ce n’est pas un islamisme insurrectionnel.

- Venons-en maintenant au chantier syrien. Il y a quelque chose qui choque dans l’attitude de Bachar Al Assad. Il est relativement jeune, il est ophtalmologue de formation, il a fait ses études à Londres, et voilà qu’il se comporte comme son père, confirmant parfaitement l’adage : « Tel père tel fils ». Qu’est-ce qui a bien pu se passer dans sa tête pour massacrer son peuple de cette manière ? Serait-il pris d’un sentiment de panique ?

Souvent, les choses sont d’une simplicité désarmante. J’ai un ami anglais, un universitaire, qui m’a dit un jour une chose très juste : les services de renseignement dans ce type de régimes fonctionnent comme les journalistes de la presse aux ordres du parti qui y règne. Tous deux intoxiquent le régime en lui racontant ce qu’il a envie d’entendre. Le paradoxe est que ces services de renseignement qui sont supposés tout savoir – et souvent ils en savent long sur les petites choses de la vie quotidienne des gens, du genre qui parle avec qui, qui couche avec qui, etc – finissent par s’auto-intoxiquer eux-mêmes via les journalistes qu’ils « briefent ». Mais s’ils disent au régime ça ne va pas dans telle région, la réaction est la sanction. « Donc, vous n’avez pas été capables de les réprimer ! » Alors, ils trichent. Ils mentent. C’est pour cela que la phrase la moins mensongère que Ben Ali ait prononcée est : « Je ne savais pas qu’il y avait tout ça. »

- Vous le croyez ?

Oui, je suis enclin à le croire. C’est la phrase où il y avait une part indéniable de vérité. « Je ne savais pas ». Cela ne le rend pas pour autant non coupable, non. Il est pleinement coupable et responsable. Le fait est que le régime crée un système de miroirs qui lui renvoie l’image qu’il a envie d’avoir de lui-même. « Je suis aimé. Je suis Bachar et tout le monde m’adore ». On l’a vu dans ses discours absurdes, pathétiques, au Parlement, en train de s’esclaffer, affichant une désinvolture indécente alors même que son pays est à feu et à sang. D’abord, parce qu’on ne lui dit pas toute la vérité. Ensuite, parce qu’il y a l’effet « théorie du complot ». Il doit se dire : « Je suis tellement légitime que s’il y a des gens qui protestent contre moi, c’est qu’ils sont des agents stipendiés par l’étranger. » Ces gens-là, je dirais presque « sincèrement », n’arrivent pas à imaginer qu’on puisse vivre sans eux. Ils se croient à ce poin indispensables pour leur pays, et c’est dans ce sens qu’ils sont dangereux. Parce que cette cécité les empêche de voir la réalité. Cette cécité se trouve chez El Gueddafi, et elle est chez Bachar également. Ils ont l’impression qu’ils sont la solution alors qu’ils sont le problème, voire le seul problème de leur pays. Ils ont l’impression qu’ils sont la clé alors qu’ils en sont le verrou.

Lire l’article sur El-watan

Lire l’article sur La Matin-DZ]

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