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Mort de Brahim Ag Bahanga : Une disparition qui ouvre la voie aux pires scénarios

El Watan, le 29.08.11

lundi 29 août 2011, par Tilelli

Les révélations au sujet des circonstances de son accident ne peuvent que conforter la thèse de l’assassinat. En effet, selon certains de ses plus proches collaborateurs, Bahanga n’était pas seul.

Avec ses compagnons les plus fidèles, il se trouvait ce vendredi dans son fief à Tinassalak, lorsqu’il a eu cette information selon laquelle, deux véhicules tout-terrain, à leur bord une importante quantité d’armes, avaient franchi la frontière libyenne. Ils se dirigeaient vers la région de Tombouctou, connue comme étant le fief d’AQMI et des contrebandiers. « C’était en milieu d’après-midi. Bahanga avait pris sa Toyota Station et s’est lancé à leur recherche. Il n’a pas voulu déplacer tout le groupe, préférant aller vérifier cette information. A quelques dizaines de kilomètres, il a effectivement remonté les traces des deux véhicules qu’il a interceptés. Les occupants sont des jeunes de la région, dont un est le fils d’un député. Ils n’ont pas voulu lui dire à qui étaient destinées les armes. Il les a sommés de les remettre. Nous ne savons pas ce qui s’est passé par la suite. Lorsque nous avons remarqué que Brahim n’était pas rentré et que son téléphone ne répondait pas, nous sommes allés à sa recherche. Nous avons trouvé son véhicule renversé et son flanc gauche touché par des balles tirées par un Seminov. L’ont-ils tué et simulé un accident ? Nous n’en savons rien. Nous sommes en train d’enquêter sur cette affaire et nous ne voulons pas qu’elle soit utilisée pour mener des actions de représailles. Il est encore trop tôt pour agir », révèle notre interlocuteur. En tout état de cause, la mort suspecte de ce chef rebelle intervient dans un moment crucial pour la population du Nord malien.

Bahanga s’affairait depuis des mois à préparer le terrain pour reprendre l’action armée, dans les semaines qui suivent le Ramadhan. Les 22 et 23 août, il avait réuni quelques centaines de jeunes cadres dans son QG pour arrêter définitivement une stratégie sur le terrain que ses proches comptent mettre à exécution, dès sa succession. Deux noms circulent, ceux de Mohamed Ould Bibi et Tena. Les compagnons de route du défunt sont les plus fidèles à sa politique de retour aux armes. L’avenir de la région est pour l’instant incertain. Bahanga, faut-il le rappeler, était craint et respecté par tous les Touareg de la région. Il s’imposait à tous. Il était révolté par la situation dramatique à laquelle fait face sa population. Les promesses d’intégration et de développement non tenues du président malien, l’occupation inquiétante du terrain par les troupes d’AQMI et la sécheresse qui a affamé des pans entiers de la société n’ont suscité que révolte et colère.

« Le territoire n’est plus vivable ni pour les populations locales, ni pour les élus locaux, ni pour les partenaires au développement. Ces zones sont abandonnées par les Touareg et investies par la pauvreté et les groupes terroristes et associés. Certes, des éleveurs touareg sont très présents et continuent à faire des kilomètres à la recherche d’un pâturage. La dernière sécheresse a privé de nombreux éleveurs de leur cheptel. Mais grâce à la solidarité intercommunautaire, ils ont pu survivre au jour le jour. L’hivernage de cette année (juillet à septembre) commence très mal pour ces populations nomades. La région est encore moins arrosée par les pluies comme l’année dernière. Ils scrutent le ciel toute la journée, en espérant que des nuages se forment au-dessus de leur tête. Le gouvernement est complètement absent. Les élus locaux ne cessent d’alerter sur la grave situation, en vain. Ils comptent plus sur le ciel que sur l’Etat malien, car il n’est jamais présent lorsque le besoin se fait sentir », explique Hama Ag Sid Ahmed, le chargé des relations extérieures du mouvement.

Dans une déclaration à El Watan, il affirme : « En dépit des cris de détresse des cadres du mouvement, le gouvernement est resté muet. Cela fait près de 5 ans que cela dure. Cette crise targuie a commencé quelques mois avant le deuxième mandat de Amadou Tounamé Touré (ATT) en mai 2006, et elle va continuer jusqu’à la fin de son deuxième mandat, car il n’a jamais voulu la résoudre. Il a toujours à l’esprit de laisser cet héritage à son successeur qui aura à gérer des dossiers brûlants. L’opposition politique malienne savait que cela allait se produire. La paix qu’il voulait instaurer était concoctée avec des cadres de Bamako qui sont loin des réalités difficiles et complexes que vivent les populations locales et les combattants touareg issus des différentes rébellions. » Le chargé des relations extérieures ne met pas de gants pour accuser Bamako d’être à l’origine de cette situation chaotique en utilisant AQMI. « Cette organisation terroriste est devenue un allié de taille de l’armée malienne. Elle agit en toute quiétude dans un territoire dont les habitants ont été désarmés et exclus de toute initiative de développement », affirme ce cadre de l’ex-rébellion. C’est pour cette raison, dit-il, « que les anciens chefs du mouvement, à leur tête Brahim Ag Bahanga, ont décidé de réunir tous les jeunes de la région et ceux qui sont à l’étranger, pour se concerter et asseoir une stratégie commune afin de mieux réinvestir l’espace pour une paix durable dans la région ». Cette concertation a permis à quelques centaines d’anciens combattants touareg de réorganiser les rangs et de mettre en place de nouvelles bases, en préparation à une éventuelle reprise des armes dans les semaines qui suivent le Ramadhan. La chute du président libyen, Mouammar El Gueddafi et les événements qui secouent la Libye ont, selon les cadres du mouvement, « été d’un grand apport ». Pour Hama Ag Sid Ahmed, « c’est une grande opportunité qui a permis aux Touareg d’avoir une vraie feuille de route politique et militaire, mais aussi de reformuler leurs revendications sans contrainte. La mort de Ag Bahanga va les renforcer dans leur détermination à aller jusqu’au bout ». En clair, la région du nord du Mali, située au flanc sud de l’Algérie, est aujourd’hui sur un volcan. La disparition de Ag Bahanga ouvre la voie aux scénarios les plus pessimistes et risque, avec la prolifération des armes en Libye, de plonger toute la région dans le chaos.

Salmia Tlemçani.

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