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Réprimée pendant 42 ans, la culture berbère explose dans l’ouest libyen

AFP, le 19 juillet 2011

mercredi 20 juillet 2011, par Tilelli

"Azoul (bonjour). Je vais vous apprendre la langue de vos grands-parents". C’est avec ces mots que Sara Aboud a donné son premier cours de berbère aux enfants de Yefren. Des mots qui envoyaient en prison du temps où Mouammar Kadhafi régnait dans les montagnes de l’ouest libyen et qui aujourd’hui veulent dire liberté.

Depuis que les villages berbères du Djebel Nefoussa se sont libérés du joug de Mouammar Kadhafi, leur culture explose : radio, journaux, associations, musées, chansons, cours de langue amazigh.

Partout sur les murs, ces dessins géométriques colorés et ce signe symbolisant les amazighs, comme s’appellent les berbères dans la région : deux demi-cercles reliés par un trait pour illustrer la connexion de l’âme avec le ciel et la terre.

"Avant nous étions considérés comme des citoyens de seconde zone. Nous sommes à l’origine de ce pays, nous avons maintenant le droit de marcher la tête haute", s’enflamme Taghrid Aboud, jeune fille au foyer de 22 ans.

Parler ou écrire en public, lire ou imprimer en langue amazigh : tout cela était tout simplement interdit par le leader libyen toujours resté soupçonneux vis-à-vis de ce peuple présent dans le pays avant la conquête arabe du VIIe siècle et connu pour sa résistance militaire à l’occupation italienne au début du XXe siècle.

Au fil des années, leur langue parlée en cachette pour ne pas aller en prison, leur alphabet jamais appris car à quoi bon, leur culture enfouie car jamais imprimée ? se sont perdus. "Beaucoup de gens ne connaissent pas leur propre histoire", explique Sara Aboud, historienne de 27 ans.

Alors dans ces villages, on ne perd pas une minute pour faire revivre cette identité.

A Jado ou à Yefren, les enfants ont classe d’amazigh plusieurs fois par semaine. "Aujourd’hui, le plus important, c’est qu’ils apprennent la langue" pour la perpétuer, poursuit Sara Aboud qui assure les cours.

Salah Kafu, 14 ans, est assidu depuis le premier jour. "Pour moi cela signifie construire l’avenir. Nous allons apprendre notre langue et nos enfants apprendront à leur tour".

Tout le monde s’y met. Des adultes reprennent leur cahier d’écolier. Dans un ancien bâtiment des services secrets reconverti en musée, un peintre de Yefren multiplie les inscriptions amazighs sur des fresques où Mouammar Kadhafi est représenté comme un rat ou un vampire.

"Je ne peux plus m’arrêter d’écrire ! J’ai l’impression de renaître", lance l’artiste de 47 ans sous couvert d’anonymat.

Mazigh Buzukhar, qui a payé le prix de son activisme berbère en passant trois mois en prison avant d’être libéré par la rébellion, s’attelle lui à transcrire les contes transmis oralement, allant enregistrer des histoires de princes et de princesses empreintes de sagesse auprès des personnes âgées gardiennes de la tradition.

"Il est important de collecter les contes et légendes amazighs. Durant 1.400 ans, notre littérature a été orale. Nous avons besoin de la préserver pour les générations futures", dit le jeune homme de 29 ans.

A Yefren, tous les documents sont écrits en arabe et berbère et le voeu c’est que l’amazigh soit reconnu langue officielle dans la Libye sans Kadhafi.

Dans cette révolte, arabes et berbères se sont libérés ensemble, côte à côte dans les montagnes, loin des divisions que le leader libyen s’est ingénié à créer pendant 42 ans.

"Les sang arabe et amazigh se sont mêlés sur les champs de bataille contre ce tyran. Nous avons le même combat, nous sommes frères. Ce sont des choses qui vont nous lier pendant les 50 prochaines années", dit Salim Ahmed, présentateur à la radio de Jado qui diffuse des programmes dans les deux langues.

Pourtant, des années de propagande ne s’effacent pas d’un coup. Une certaine rivalité existe entre villages arabes et berbères. On parle de racisme. Des habitants de la ville arabe de Zenten reprochent aux berbères de ne pas aller assez en première ligne.

"Ce sont des gens biens", dit Ibrahim Al-Zentani, ingénieur de 30 ans. "Mais ils aiment se mettre en avant. Ce ne sont pas de bons combattants. Ils ne donnent pas assez de sang pour la révolution".

Lire sur le site du Point

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