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Des villages guerroient entre eux dans l’Ouest libyen

Reuters, le 16 mai 2011

lundi 16 mai 2011, par Tilelli

Les combats qui se sont déroulés la semaine dernière près de Zentane, ville de l’Ouest libyen tenue par les insurgés, en disent peut-être plus long sur l’avenir de la Libye que sur l’état actuel du pays.

Ce qui a débuté comme une opération des insurgés pour couper une route empruntée par les troupes de Mouammar Kadhafi a tourné à des combats entre rebelles et habitants de la région. Au moins six rebelles ont été tués et plus de 30 autres blessés.

Les insurgés ont reconnu qu’ils n’avaient pas affronté seulement les hommes de Kadhafi mais aussi la population d’un village, Riaïna, qui est fidèle au régime libyen.

Ce sont des voisins qui, lorsque le conflit prendra fin, devront trouver un moyen de vivre ensemble. Si la cohabitation entre clans rivaux n’est pas possible, l’insurrection contre Kadhafi risque de basculer dans un conflit tribal.

"Ce qui s’est passé hier ne plaît à personne", dit un jeune insurgé à Zentane, à propos des combats de Riaïna. "Kadhafi cherche à faire en sorte que nous nous entretuions".

Les affrontements à Riaïna présagent peut-être de ce qui est à venir.

A Zentane, base à partir de laquelle les insurgés mènent des opérations sur les hauteurs du djebel Nefoussa, Riaïna et les localités environnantes passent pour favorables aux forces de Kadhafi.

Dans la ville de Kabaou, peuplée de Berbères à la pointe ouest du djebel Nefoussa, le colonel Tarek Zanbou désigne au loin une localité de la plaine désertique, où les troupes de Kadhafi ont pris position.

"Ses habitants, dit-il, viennent de Mauritanie et d’Algérie, ils ont été amenés là par le gouvernement.

"Kadhafi leur a donné des maisons et les a soutenus pour nous contrôler", explique-t-il en ajoutant : "Ce ne sont pas les habitants originels de la Libye".

Violences tribales et vengeances ne sont cependant pas une nouveauté en Libye.

Le pays compte plus de 140 tribus et clans, qui constituent l’assise de la société, en l’absence presque totale d’une vie politique et d’une société civile.

Kadhafi a édifié un système fondé sur les privilèges et les solidarités tribales, favorisant une tribu aux dépens de l’autre pour gagner à lui des fidèles.

On ignore combien de personnes les insurgés ont tué lors de la bataille de Riaïna.

Une vidéo réalisée par l’un d’eux montre un bulldozer détruisant un tronçon de route et un char et des canons antiaériens aux mains des rebelles ouvrant le feu sur des objectifs non identifiés.

Un insurgé escalade un pylône et déchire le drapeau vert des kadhafistes. Mais rares sont ceux qui se réjouissent de la victoire sur leurs voisins.

"Il s’agit de petits villages. Ils se sentent faibles, c’est pour ça qu’ils soutiennent Kadhafi", déclare le jeune insurgé. "Seules les grandes tribus se sentent assez puissantes pour se rebeller", ajoute-t-il.

Selon le colonel Moktar Milad, chef des insurgés à Zentane et dans les environs, les rebelles n’avaient pas l’intention de s’en prendre à des civils de la tribu installée à Riaïna.

Le soulèvement dans le djebel Nefoussa, non loin de la frontière tunisienne, a uni des Arabes et des Berbères autour d’un objectif commun, faire tomber le régime kadhafiste en place depuis 1969.

Les Berbères estiment qu’ils tiennent une occasion d’en finir avec la discrimination dont ils ont souffert sous Kadhafi. Sur la route entre les localités de Kabou et Djadou, des graffiti inscrits à un poste de contrôle des insurgés proclament "Non au tribalisme, oui à l’unité nationale !"

Au-delà du slogan, les insurgés se heurtent au principe de réalité. Prié de dire ce qui empêche les insurgés de marcher dès maintenant sur Tripoli, à 150 km de Zentane, le colonel Milad répond par ces mots : "Ce qui nous en empêche, ce sont surtout les habitants de la région qui soutiennent Kadhafi".

Par Reuters
publié le 16/05/2011 à 20:35

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