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La charge de Taoufik Ben Brik sur cette Tunisie, une merguez entre deux lèvres…

in Businesse News (Tunisie), le 17 avril 2011

dimanche 17 avril 2011, par Tilelli

Journaliste, poète, militant, on ne saurait trop qualifier Taoufik Ben Brik, ce saltimbanque tunisien dont le dernier ouvrage est depuis jeudi 14 avril dans les librairies et kiosques tunisiens. Intitulé « Tunisie, la charge… Positions », ce neuvième livre du journaliste a été entamé durant la révolution du 17 décembre 2010 – 14 janvier 2011 et achevé au moment du départ du Premier ministre Mohamed Ghannouchi ou, plutôt, Ganou-Chichi comme il le surnomme attirant l’attention que son patronyme porte le mot gâchis. Les 225 pages du dernier ouvrage de Ben Brik se lisent d’un trait. Elles s’avalent rapidement. Méfiez-vous si vous avez entamé la première page, car vous ne lâcherez le livre qu’après avoir lu la dernière et toutes celles entre les deux. Du moins si vous êtes sensible à la critique acerbe, l’humour noir et la caricature sans réserve.

Dans son ouvrage, Taoufik Ben Brik s’est payé la tête de tout le monde. Il n’a épargné personne. Ses adversaires d’hier avec acidité, ses amis avec tendresse. Son plus grand ennemi, Ben Avi bien sûr. Surtout. Mais les autres aussi. Le juge Mehrez Hammami, par exemple, alias Boga, ce gros lard, bête et mauvais, comme ces chiens de bergers solitaires et haineux qu’on rencontre si souvent, errants dans la steppe alfatique. Il n’y a pas que les hommes. La prison de Siliana en a eu pour sa gueule aussi. Cette prison de haute sécurité, construite du temps de Ben Ali 1er. Un bagne préhistorique, mélange sordide de la Guyane dans « Papillon », des prisons mexicaines dans « El Viva Zapata » ou « Il était une fois la révolution » et de cette prison turque dans « Midnight Express ». A Siliana Brik, les prisonniers sont édentés, pauvres et analphabètes. Pour survivre à l’enfer de la captivité, on devient servile, on courbe l’échine et on baisse sa culotte. On fait des cabrioles de singe savant pour plaire à notre dresseur. Pour un morceau de sucre, une aile de poulet, un mégot, on vend Dieu et ses prophètes. A Siliana, j’étais Paul Newman dans « Luke, la main froide ». Il ne ratera pas, tant qu’il y est, Bouraoui Yousfi, le tout puissant et jeune directeur de la prison. Glacial, hautain, méprisant, magouilleur, une belle fouine. Du peu que Ben Brik a collecté de sa putain de course de vie (CV), il suit à la lettre les directives des Services Spéciaux (SS) et mène la vie dure aux détenus dits « précieux » : islamistes, gauchistes, journalistes, poètes…

Tout est inspirant chez Taoufik. Les personnes, les bâtiments, mais aussi les médias. Al Jazeera en aura pour son compte aussi. A quoi pouvait ressembler la Tunisie avant Al Jazeera ? A du néant. Du rien. L’histoire a commencé lorsque Al Jazeera t’a regardé, Tunisie mon amour. Alors seulement, l’histoire surgit. The story is. Al Jazeera fait l’événement. Au prétexte du mythe de la vitesse et du raccourci, Al Jazeera bouche le paysage. Silence, on désinforme… Ben Brik se nourrit de tout. Il était tout le temps affamé et ne pouvait s’empiffrer des miettes qu’offrait Ben Ali. Quand le riche maigrit, le pauvre meurt. Voilà l’idée de génie de Ben Ali. Quand le riche mange, l’affamé sourit. Quand il s’empiffre, ça fait des miettes, il y a des restes, le pauvre est content, il finit les verres, il change, il tape sur sa gamelle.

La Tunisie de Ben Brik est extraordinaire. Mais il faut faire attention, il faut rester vigilant. La Tunisie est une petite merguez coincée entre les deux lèvres d’un énorme casse-croûte : la Libye de Kadhafi et l’Algérie de Bouteflika. Il appelle à la France des quincailleries, des manuels scolaires et des grandes surfaces si elle n’a pas son mot à dire dans un pays qui lui appartient à moitié. Il s’interroge si l’Amérique, gendarme de la planète, n’a pas déjà placé ses chalabis, ses hommes. Ceux qui lisent les lignes se régalent. Ceux qui lisent entre les lignes se délectent. Faut-il savoir lire ! L’ouvrage est dans les librairies et kiosques à journaux. A dix dinars, c’est moins cher qu’un café et une chicha à Ennasr où réside Taoufik.

Nizar Bahloul

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