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Sahel : les salafistes armés et les rançons des otages

Le Matin-Dz, le 20 juillet 2012

samedi 21 juillet 2012, par Tilelli

Les islamistes d’Ansar Dine qui contrôlent une partie du nord du Mali ont reçu le renfort de centaines de membres des milices Gandakoye.

Riches de l’argent des rançons, les groupes narco-terroristes qui écument au nord du Mali recrutent des miliciens et autres mercenaires africains, attirés par l’argent. La première opération de renflouement des poches des groupes islamistes du Sahel concerne les trois otages algériens. Elle s’est déroulée, selon RFI, le week-end dernier lorsque les islamistes du Mujao ont relâché trois des sept diplomates algériens, capturés à Gao. Bien entendu Alger ne cesse d’affirmer qu’il applique toujours le sacro-saint principe du refus de tout paiement de rançon.

Cependant, il est bien difficile de croire que le Mujao ait consenti de rendre la liberté aux trois diplomates algériens sans contrepartie. Ce n’est pas dans leurs moeurs. D’ailleurs, selon des sources diplomatiques régionales, il y aurait eu remise d’argent par l’entremise d’un grand commerçant du Sud-saharien qui a donc joué les banquiers. En échange, le Mujao a obtenu également la libération d’un groupe d’islamistes algériens et d’arabes maliens qui étaient détenus en Algérie pour suspicion de collaboration avec les terroristes d’Aqmi, installés au Mali. Reste le sort des quatre autres otages algériens toujours entre les mains de ces narco-terroristes du Mujao.

La deuxième rançon est de 15 millions de dollars. "Nous avons eu 15 millions d’euros pour la libération des trois otages et nous avons également obtenu la libération d’un moujahidine (combattant) emprisonné par la Mauritanie", a confirmé Walid Abu Sarhaoui, porte-parole de ce groupe né il y a seulement une dizaine de mois quelque part au Sahel. Donc un autre joli pactole pour le Mujao en contrepartie de la libération des trois otages kidnappés à Tindouf le 23 octobre dernier.

Ce formidable butin issu des enlèvements d’otages servira non seulement à armer ces groupes mais aussi au recrutement.

Boko Haram au Mali

A ce propos, selon une étude du Centre de recherches sécuritaires américain, AGWoold, le Sahel se transforme en véritable bourbier, Le nombre des terroristes activant au Sahel s’est multiplié par 20 entre 2010 et 2012. Et l’arrivée de cette manne financière n’arrangera certainement pas les affaires du Mali, mais aussi des pays riverains.

Selon cette étude, de 300 à 500 en 2010, on est passé à plus de 6 000 terroristes, équipés et entraînés en 2012. Une véritable aubaine pour les troupes d’Al Qaïda au Maghreb islamique qui veut implanter des principautés théologiques dans la région. Mais comment se recrutent les terroristes dans cette région notamment au nord du Mali ? "Nous sommes beaucoup d’Africains venus d’un peu partout rejoindre les moujahidine à Gao", affirme un jeune Ivoirien à l’AFP. Ce jeune change même de prénom et se fait désormais appeler Ahmed El Guédir. Il fait partie des centaines de recrues dans cette ville du nord du Mali contrôlée par les islamistes radicaux. C’est dire que les islamistes d’Ansar Dine, du Mujao ou d’Aqmi n’ont rien de Touaregs. D’où d’ailleurs leur opposition armée au Mouvement national de libération de l’Azawad.

Des jeunes Ouest-Africains en armes débarquent à Gao en provenance du Gourma, une province de l’est du Burkina Faso, pays voisin du Mali mais aussi des Sénégalais. Selon l’agence française, en moins de deux jours, plus de 200 Africains, âgés en moyenne de 16 ans, ont été enrôlés par le Mouvement pour l’unicité du jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) ces derniers jours. Les nouvelles recrues sont regroupées dans deux camps de la ville et doivent subir une formation militaire et religieuse, explique l’un des chefs terroristes dans la région. Des centaines de combattants de Boko Haram, groupe islamiste radical à l’origine de nombreux attentats au Nigeria, sont actuellement présents dans le nord du Mali aux côtés des islamistes, selon Bilal Hicham, un des dirigeants du Mujao à Gao. "Il y a ici des Maliens, des Somaliens, des Ivoiriens, des Sénégalais, des Ghanéens, des Gambiens, des Mauritaniens, des Algériens, des Guinéens, des Nigériens, il y a tous les musulmans ici", affirme-t-il à l’AFP, ajoutant que pour un musulman, il n’y a pas de nationalité ni de frontière. Originaire du Niger voisin du Mali, Bilal Hicham est le premier Noir à diriger une katiba, brigade de combattants, dans le Nord-Mali. "Il va y avoir d’autres Noirs (à la tête de katiba). Le monde est le même pour les musulmans noirs, blancs ou d’autres couleurs", dit-il. "Le président du Niger (Mahamadou Issoufou) parle de nous attaquer. Dieu seul sait. 40% de nos effectifs sont des Nigériens. Le jihad, s’il plaît à Dieu, on va l’amener rapidement au Niger", menace-t-il encore. Ce considérable afflue de miliciens et nouveaux soldats attirés par l’argent a poussé le MNLA à battre en retraite, laissant les villes à ces groupes islamistes.

Ansar Dine recrute des miliciens

Le groupe salafiste d’Ansar Dine, dirigé par Iyad Ag Gali ne déroge pas à la règle. Il recrute aussi à tout va. Un habitant de Douentza (250km au sud de Tombouctou), qui a requis l’anonymat, a déclaré par téléphone à l’Associated Press qu’environ 400 hommes de cette milice gouvernementale avaient fait défection, venant renforcer les rangs d’Ansar Dine. Oumar Ould Hamaha, un membre du groupe islamiste basé à Tombouctou, a également assuré que les miliciens Gandakoye de Douentza sont "à 100% avec Ansar Dine".

Proche d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et partisan d’une application stricte de la charia, Ansar Dine renforce ainsi son influence dans la région, au détriment des rebelles touaregs du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). Un porte-parole d’Ansar Dine, Sanda Abou Mohamed, a également confirmé que des miliciens Gandakoye "qui respectent nos principes" sont arrivés à Douentza, sans pouvoir préciser leur nombre. Selon lui, ils aideront à contrôler l’un des axes nord-sud du pays.

A Bamako, le gouvernement a fait savoir qu’il ne disposait pas de tous les éléments pour apprécier cette nouvelle situation dans la région. "Mais ce qu’on dit aux jeunes ici, c’est de continuer de soutenir le gouvernement en vue de reconquérir le nord du Mali", a assuré le porte-parole Hamadoun Touré. A Goundam, une petite ville située à 100km à l’ouest de Tombouctou, des résidants ont rapporté que les islamistes avaient fait fouetter vendredi dernier environ 90 manifestants qui contestaient leur autorité.

Pour l’heure, ces trois groupes islamistes écument l’immense territoire de l’Azawad, s’entrainent et sévissent contre la population touareg. Avec les treize otages qu’ils détiennent encore, ils peuvent mettre pression sur les gouvernements et se protéger de toute intervention extérieure.

Yacine K./Agences

- Lire sur le site du Matin-Dz

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